mardi 24 décembre 2013

Bonnes fêtes de fin d' année

La LDH vous présente ses meilleurs voeux pour 2014
 EDITO : 2013, autant de montagnes, autant de souris...
 
Nous approchons jour après jour de ce moment où la tradition nous amène à dresser une sorte de bilan du passé tout en se souhaitant le meilleur pour l’avenir. Concernant le passage de l’année 2013 à 2014, ce vœu procède à la fois de l’urgence et de la nécessité.
Pierre TartakowskyPrésident de la LDH
 
 ACTUALITéS
 
Les événements de Bretagne : vraies crises et vraies manipulations
Par Michel Savy, Bureau national de la LDH, et Jean-Louis Galzin, groupe de travail « Développement durable »
Les événements de Bretagne sont un cas d'école quant aux mutations nécessaires. Mais ces événements ont aussi été des moments propices, en agitant un tant soit peu les racines et les drapeaux locaux, à des manipulations et récupérations indignes. Ils sont, enfin, les révélateurs des dangers, auprès d’une opinion en quête de sens autant que de pouvoir d’achat, de mesures mal préparées, mal expliquées, considérées au mieux comme accessoires, au pire comme des contraintes d'une politique sans vision.
Pisa : une enquête qui fait vaciller l'école ?
Par Françoise Dumont, vice-présidente de la LDH
Tous les trois ans, le rapport Pisa donne une photographie de l’état des compétences des élèves de 15 ans dans les pays développés et un nombre croissant de pays associés. Ce qui caractérise aujourd’hui le système éducatif français, c’est sa grande capacité à fabriquer des élites performantes et à laisser au bord du chemin un nombre croissant d’élèves de plus en plus faibles.
Le licenciement d’un salarié en raison de sa séropositivité est contraire au droit européen
Par Michel Miné, membre du Bureau national de la LDH
Une affaire, riche d’enseignements, qui attire l’attention sur l’aggravation des discriminations à l’encontre des personnes vulnérables en période de crise, et rappelle qu’une injonction de discriminer ne peut justifier une discrimination. Un arrêt de la CEDH qui souligne les ressources du droit européen du Conseil de l’Europe.
Loi de programmation militaire : lettre ouverte aux parlementaires
Lettre de la FIDH, de la LDH, de la Quadrature du Net et de RSF
Vendredi 13 décembre, une lettre ouverte a été adressée aux parlementaires pour leur demander de saisir le Conseil constitutionnel. Plus particulièrement, la présente requête porte sur la constitutionnalité de son article 20, anciennement article 13, visant à définir les modalités des interceptions légales des télécommunications exercées par les ministères de la Défense, de l’Intérieur, de l’Économie et des Finances, et du Budget.
Après le 18 décembre, Français et étrangers, agir ensemble pour le respect et l’égalité des droits !
Par Jean-Michel Delarbre, membre du Comité central de la LDH
Alors que la Convention internationale pour la protection des droits des migrants et de leur famille n’est toujours pas ratifiée par les pays développés, qui accueillent aujourd’hui un grand nombre de migrants, dans ces pays, leur accès aux droits tend à se dégrader : conséquence d’un aveuglement face à la réalité des migrations aujourd’hui, de leur nature et de leurs dynamiques propres.
Asile : un droit à reconquérir ? Le point à mi-décembre
Par Anick Lestage, représentante de la LDH à la CFDA
Les associations engagées dans la défense du droit d’asile s’interrogent sur l’effet de leur rôle dans la participation à la concertation engagée par le gouvernement sur l'évolution du droit d'asile. Rappelons qu’à ce stade il ne s'agit pas ici du projet de loi mais du rapport remis au ministre de l’Intérieur.
Outre-mers : une lettre d'information de la LDH
Pour favoriser la réflexion et l'action, la Ligue des droits de l’Homme, avec ses sections des départements et collectivités d’outre-mer et le groupe de travail du même nom vous propose une nouvelle lettre trimestrielle. Il s'agit une fois de plus d'assumer le général et le particulier car la LDH promeut l'universalité des droits, et agit pour tous les droits pour tous et partout.
 

Chronique des jurisprudences, NOV/DEC 2013

Par Patrick Canin, secrétaire général adjoint de la LDH
 International
 
Dénégation tacite des droits de l’homme aux Nations unies, intimidations militaires en Mer de Chine : jusqu’où peut-on aller trop loin ?
Bulletin « Les droits de l'Homme en Chine » - n° 81 - novembre 2013
Trois faits de nature apparemment différente mais qui recouvrent une même réalité : la Chine affirme sa puissance et cherche à pousser les murs ; et qui posent à l’extérieur une même question pressante : celle de la lucidité et d’une réponse efficace à la hauteur des enjeux.
Sur la liberté de création dans les pays de l’Europe centrale et orientale
Lettre « Les droits de l’Homme en Europe centrale et orientale » n° 8 - nov.-déc. 2013
Un an après le procès du groupe Pussy Riot, nous revenons, dans cette livraison, sur la liberté de création dans les pays de l’Europe centrale et orientale. Anda Rottenberg nous introduit à la dimension historique de la censure, singulièrement en Russie et en Pologne. Elle souligne que cette forme de répression n’est pas propre à cette région du continent comme en témoignent des atteintes à la liberté de création en Europe de l’Ouest à l’époque contemporaine.
Sommet ibéro-américain : un échec prévisible
Bulletin « Les droits de l'Homme en Amérique latine » n° 16 - octobre 2013
Le 23e sommet annuel ibéro-américain, réuni à Panama, s’est conclu par un constat d’échec et des interrogations renouvelées sur la raison d’être de ces sommets et des institutions créées autour du concept d’aire de coopération ibéro-américaine, alimentées par la conjoncture économique et sociale des pays fondateurs, Espagne et Portugal.
Sodastream : des publicités qui bafouent les droits des Palestiniens
Lettre ouverte de la LDH à Rémy Pflimlin, président de France Télévisions
Hongrie : l’État de droit à nouveau pris pour cible
AEDH et comité hongrois
Un sommet franco-africain, pour quoi faire ?
FIDH et LDH
Algérie : lettre ouverte à l’occasion de la visite officielle du Premier ministre en Algérie
Lettre ouverte cosignée par la LDH, la FIDH, le REMDH
Sept mois après le millier de morts de l'incendie du Rana Plazza au Bangladesh
Communiqué du FCRSE, dont la LDH est membre
Maroc : un rapport de mission qui dénonce la détention arbitraire
Communique du REMDH
 
 


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jeudi 19 décembre 2013

Mélenchon... Populisme et vieux briscard-politicard...


Mélenchon… La grande illusion !
CHRONIQUE «IRONIQUES»
C’est toujours triste lorsqu’on a connu un artiste au sommet de son art de le voir péricliter. La scène, les applaudissements, les vivats du public sont une drogue dure. Rares sont les stars qui ont su raccrocher à temps. Pour ma part, j’éprouve une certaine tendresse pour ces êtres qui jusqu’au bout cherchent la chaleur des projecteurs. Dès lors, comment en vouloir à Jean-Luc Mélenchon d’avoir bidouillé son intervention au journal télévisé dimanche dernier. Alors qu’il nous avait promis «la foule des grands jours» pour sa marche en faveur d’une révolution fiscale, le chef du Front de gauche se trouvait quasiment seul, avenue des Gobelins, quelques minutes avant son direct sur TF1. Branle-bas de combat, panique à bord, il a fallu trouver à la hâte une vingtaine de militants afin que le vieux leader paraisse entouré. Pour que l’illusion soit parfaite, TF1, complice de cette mascarade, avait filmé Jean-Luc en plan serré et Claire Chazal, toujours bienveillante, déclarait : «On aperçoit derrière vous des drapeaux et des gens qui se massent.» La grande illusion.
Seulement voilà, pour réussir son coup, Méluche fut bien obligé de s’entendre avec la chaîne du capitalisme, de Bouygues et «des patrons voyous», copiner avec des journalistes, «cette sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier», et tout ça pour la bonne cause : sauver à tout prix les apparences, déguiser la vérité.
Oui, mais manque de bol, un journaliste d’Euronews habitant dans l’immeuble d’en face immortalisa la scène en la photographiant : devant la caméra, un Jean-Luc Mélenchon, seul, perdu au milieu de l’avenue des Gobelins, avec en arrière plan, tel un décor de carton-pâte, un dernier carré de supporteurs fidèles… cliché dévastateur !
On pense à Sarkozy convoquant des figurants habillés en ouvrier lors de la visite d’un chantier ou au film de Patrice Leconte Tandem lorsque Rochefort, animateur has been, continue de présenter son émission de radio alors que celle-ci n’est plus diffusée depuis des semaines. Son ingénieur du son, Gérard Jugnot, ayant préféré lui cacher la vérité. Alors, comment expliquer ce désamour si soudain du public ? Comment un homme qui, il y a deux ans, rassemblait 120 000 personnes, peine-t-il aujourd’hui à en réunir 7 000 ? Y a-t-il une malédiction des Jean-Luc ? Jean-Luc Lahaye et aujourd’hui… Mélenchon. Comme toute vedette qui ne remplit plus ses salles, Jean-Luc tente des come-back désespérés, multiplie les provocations : «Cuba n’est pas une dictature ; Pierre Moscovici ne pense pas français mais finance internationale ; le Petit Journal est la vermine du FN ; les Normands sont des alcooliques et des Français arriérés.»
A gauche comme à droite, les critiques pleuvent, ses anciens camarades parlent «de vocabulaire des années 30, de relents antisémites». Méluche n’en a cure et s’enferre dans la surenchère.
Qu’est-il arrivé au truculent Jean-Luc, cet ancien prof de lettres qui jadis nous réjouissait de sa verve picaresque et de ses mots d’esprit ? Où est passé celui qui nous avait tous fait rire en qualifiant Hollande de «capitaine de pédalo» ?
On évoque le syndrome Dieudonné, cet ancien humoriste, aujourd’hui révisionniste, abonné désormais aux jeux de mots nauséabonds.
Pour revenir dans la lumière, Jean-Luc est prêt à tout, n’hésitant pas à renier les raisons pour lesquelles son public l’a aimé. Quand le porte-parole des oubliés, des laissés-pour-compte déclare lors d’une visite au Bourget : «Ne voyager qu’en classe affaires… avoir passé l’âge d’aller se briser le dos en classe économique», on crut d’abord à une énième boutade, Jean-Luc n’avait pas les moyens de s’offrir un tel luxe : 6 000 euros pour un Paris-Pékin sur Air France, plusieurs mois de Smic… impossible ! Puis, le patrimoine de nos élus étant consultable, on s’amusa à vérifier. Avec une indemnité totale de 144 108 euros par an en tant que député européen (exonéré de CSG et de CRDS) plus les droits d’auteur de ses livres et ses biens personnels estimés à 800 000 euros, Jean-Luc peut effectivement s’offrir la classe affaires. De là, à vouer aux gémonies les salauds de riches tout en s’affalant dans le siège inclinable d’un jet au Bourget… On peut comprendre que dimanche dernier, certains militants aient préféré économiser le prix d’un ticket de métro plutôt que d’aller l’applaudir.
Malheureusement, le pire est à venir car le vieux cabot de la politique ne supporte pas la relève. Ainsi les Bretons qui lui ont volé sa révolution sont «des esclaves manifestant pour les droits de leur maître». Jean-Luc, à l’instar d’une Chantal Goya, saura-t-il trouver un second souffle, une deuxième jeunesse ?
Sur le modèle d’Age tendre et tête de bois, pourquoi ne pas envisager une tournée des idoles, une croisière en compagnie d’anciennes gloires de la politique : «Antoine Waechter, Michel Noir, Arlette Laguiller, François Léotard». Eviter à tout prix le combat de trop car, un jour, celui qui amuse encore les médias, l’imprécateur des émissions de variétés ne fera plus d’audimat… la surenchère ne suffira plus et les sunlights s’éteindront définitivement.
Stéphane GUILLON

Jean-Luc Mélenchon, repoussoir préféré du pays enchanté

D’abord, c’est Jean-Luc Mélenchon qui est accusé d’avoir truqué l’image. Son interview en duplex sur TF1, quelques minutes avant le début de la manif contre les hausses de TVA, a été filmée devant quelques manifestants formant décor dans une rue déserte.
De son balcon, un journaliste néerlandais a photographié la manip. Buzz. Scandale. Questions. Le CSA se saisit de l’affaire. Coup de théâtre le lendemain : pour illustrer le bide de ladite manif de Mélenchon (100 000 manifestants selon les organisateurs, 7 000 selon la préfecture de police), i-Télé et Canal + diffusent des images d’une foule clairsemée, images provenant d’une manif de la veille, en commémoration de la «Marche des beurs». La foule clairsemée que balance donc à Mélenchon le chroniqueur Trapenard, et qui suscite les ricanements d’Aphatie sur le plateau du Grand Journal, est donc une autre foule. Pas celle de Mélenchon. Dès le lendemain, Mélenchon et les mélenchoniens sautent sur cette erreur providentielle de Canal + qui a confondu les deux manifs. Ils demandent la saisine du CSA. Un partout, balle au centre.
Mais il leur a fallu quelques heures pour réagir. Lui-même présent sur le plateau du Grand Journal ne s’est pas aperçu sur le moment de l’erreur de Canal +. Même s’il fanfaronne comme d’habitude («Mélenchon, il sort pas de l’œuf») il ne voit même pas le bout de la colonne du génie de la Bastille qui lui mettrait la puce à l’oreille (car sa manif n’y est pas déroulée), il semble vaincu par la démonstration fausse de Canal +, tout empatouillé qu’il est dans ces histoires de comptage, peut-être est-il fatigué de se débattre dans cette spirale dans laquelle il est englué, dans laquelle chacun de ses mouvements l’englue davantage, devenu à son tour comparse de de Caunes, clown accessoire du Grand Journal («Mélenchon il sort pas de l’œuf», répète tendrement de Caunes, amusé par la gouaille légendaire de l’invité), clown dénonciateur des injustices, des exploitations, terrassé par son paradoxe de clown dénonciateur de la clownerie majuscule, le terrible paradoxe de rendre digestible un discours radical dans la société du spectacle.
Mélenchon s’énerve, il ne sait plus où il est, il s’en prend au journaliste néerlandais qui a pris la photo de son balcon, il le traite de «planqué», de «glandu de première», de «péquenaud», il préfère s’en prendre à lui qu’à ses nouveaux copains de clownerie de Caunes et Trapenard, il se trompe de cible, c’est incroyable qu’une telle intelligence se trompe de cibles avec une telle constance, se refuse avec une telle obstination à apprendre à diriger sa colère, fonce dans les pièges, tête baissée, et en souriant, parce qu’on lui a répété qu’il fallait sourire à de Caunes, et ce conseil-là il l’a entendu, conseil pas plus stupide que les autres, mais incohérent.
Pendant ce temps, ce dont on ne parle plus, c’est la scandaleuse hausse de la TVA qui va frapper les pauvres, ceux qui ne peuvent pas protester, ne sont même pas venus à la manif de Mélenchon parce qu’ils n’en ont pas l’idée, parce que c’est Paris, parce que c’est loin, parce que même Mélenchon quand il passe à la télé, ce n’est plus pour parler de la TVA, c’est pour répondre à Trapenard et à Aphatie qui lui balancent des fausses images, c’est pour jouer avec eux, jouer à un jeu cruel et incompréhensible, jeu mortel où il a tout à perdre et si peu à gagner, mais jouer avec eux, vivre avec eux, les retrouver matin, midi et soir, de micro en micro, accepter ce destin d’être le repoussoir fétiche du pays enchanté, leur doudou râleur, un peu rugueux, mais qui se laisse tout de même caresser à la fin, et reviendra demain.
Qu’il puisse placer à égalité sa colère contre les hausses de TVA et celle contre le journaliste néerlandais, qu’il puisse perdre de vue, lui Mélenchon, le scandale silencieux de la hausse de la TVA, celui qui ne fera jamais rire de Caunes, voilà qui est incompréhensible, inquiétant, terrifiant. En même temps, on comprend bien. Il aurait tant aimé qu’ils soient 100 000 derrière lui, Mélenchon, pour dénoncer les hausses de TVA. Mais ils n’étaient pas 100 000, même s’ils étaient bien plus que les 7 000 de Valls. Et il ne comprend pas, Mélenchon, pourquoi ils ne sont pas 100 000. Et sans doute ce semi-échec le terrifie, et il se retourne contre le journaliste néerlandais qui a touché ce nerf-là, celui de l’échec d’une mobilisation qui aurait dû emporter la république.
Pendant trois jours, c’est le sujet unique du buzz. Qui a bidouillé le plus, entre Mélenchon - TF1, et Canal + - i-Télé ? Et toutes ces précieuses minutes d’antenne ne sont pas consacrées au motif de la manif : la hausse piteuse de la TVA, malgré toutes promesses antérieures des socialistes. Mais où est le plus dommageable biais de l’information ? Dans les bidouilles par les uns et par les autres des chiffres de manifestants, ou dans le fait que ces bidouilles-là volent du temps d’antenne aux bidouilles par le gouvernement du taux de TVA ?
Daniel SCHNEIDERMANN

mercredi 11 décembre 2013

Le mélenchon , le repoussoir...



Jean-Luc Mélenchon, notre grand poète national
Jean-Luc Mélenchon est né à 60 ans. Auparavant, il n’avait été qu’un second couteau au sein du Parti socialiste, talentueux et insatisfait. Toujours mêlé aux tentatives pour fortifier l’aile gauche du PS, toujours déçu, il avait été bizarrement le benjamin du Sénat, un lieu où il détonait sans franchir les bornes, puis ministre modeste et loyal du gouvernement Jospin.
Sa véritable vocation, il l’avait découverte aux meetings des partisans du non au référendum européen de 2005. Là, aux côtés de Marie-George Buffet ou Olivier Besancenot, il était au départ le moins connu mais il était vite devenu le plus applaudi. Son éloquence torrentielle, sa verve insolente, ses dénonciations furibondes enchantaient le public. L’ex-trotskiste, l’éternel militant, l’homme politique impatient d’un destin avait compris que son avenir était là, en figure de proue de la gauche anticapitaliste. Départ du PS, fondation du Parti de gauche, conquête de l’investiture communiste et soudain, avec la campagne présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon est enfin devenu Jean-Luc Mélenchon, le premier tribun de France, l’imprécateur à la mode, le procureur enfiévré de l’infâme société française, le polémiste le plus saignant. La France retrouvait l’un de ses archétypes politiques les plus populaires : le grand poète national en colère.
Ce n’est pas un hasard si Jean-Luc Mélenchon aime lire quelques paragraphes bien choisis de Victor Hugo pour clore ses meetings. La France a toujours mêlé la politique, l’histoire et la littérature. Le candidat du Front de gauche, cultivé, irascible et bretteur, trouve là la source naturelle de son inspiration. En 1848, l’homme le plus populaire de l’Hexagone s’appelait Lamartine.
Sous le Second Empire et durant les commencements de la IIIe République, la figure de Victor Hugo resplendissait. L’écrivain, le poète régnait sur le débat public. Par ses livres, par ses vers, par ses exils, par ses discours, par ses interventions parlementaires, Victor Hugo surplombait la scène culturelle et politique, accessible et démesuré, farouche et emporté, incomparable procureur, propagandiste flamboyant, généreux et injuste, visionnaire et rêveur. C’est dans ses pas, c’est à sa suite que s’inscrit Jean-Luc Mélenchon.
On peut évidemment en faire deux lectures. Il y a le candidat, rugissant de tribune en tribune, tempêtant de studio en studio, avec son tempérament dévastateur, ses emportements incessants, ses trouvailles cocasses et ses injures déplaisantes. Il n’a d’indulgence pour personne hormis pour lui-même. Il traite François Hollande de «capitaine de pédalo» (la vanne la plus méchante de la campagne, tous candidats réunis), Marine Le Pen de «semi-démente», les journalistes femmes qui ont le malheur de lui déplaire de «perruches», les journalistes hommes qui le contrarient de «laquais». En revanche, il s’offusque d’être attaqué à son tour et se transforme aussitôt en grand persécuté. Tel quel, il marque des points, avance dans les sondages, frappe l’opinion. A la Bastille, il a raté son discours mais il a attiré la foule la plus gigantesque que l’on ait vue depuis les manifestations célèbres des grandes grèves de 1995.
Il y a bien, dans cette campagne, un phénomène Mélenchon. Si ses scores actuels se confirment, il pèsera lourd sur le second tour, contraignant peut-être François Hollande à se radicaliser - c’est l’espérance de la droite - entraînant néanmoins ses électeurs derrière le candidat socialiste, effarouchant en revanche les bataillons centristes. Il aura compté.
Il aura surtout ressuscité la part du rêve. Dans cette campagne, il y a les protagonistes du possible (François Hollande, François Bayrou, Nicolas Sarkozy), il y a les porteurs de cauchemars (Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan) et il y a notre grand poète national, l’homme qui incarne l’utopie, qui agite les chimères, qui prophétise un autre monde où régnerait la justice, où trônerait l’égalité, où s’épanouirait la vertu.
Ce serait la revanche des Misérables, le triomphe des Châtiments, une authentique république socialiste, un gouvernement en cravate rouge. Les marchés seraient domestiqués, le capitalisme serait éradiqué, les grandes entreprises seraient réquisitionnées. Comme au XIXe siècle, la France s’enflammerait, l’Europe flamberait. Nos voisins se convertiraient, on réaliserait les Etats unis d’Europe du père Hugo, on réussirait la VIe République. Ce serait l’heure des comptes et le carillon du changement. On pourrait de nouveau inventer, imaginer, espérer, mobiliser. Ce serait la revanche du romantisme incandescent sur les contraintes et les épreuves des alternances prosaïques. C’est le livret de l’opéra mélenchonien. S’il n’était pas joué, à défaut, alors il faudrait que Jean-Luc Mélenchon se contente, faible exutoire, du ministère des masses.
ALAIN DUHAMEL

mercredi 23 octobre 2013

Virer la vieille classe politique dioise...



Va… quand même aller voter…aux élections municipales
Le moonwalk, est le pas de danse popularisé par Michael Jackson, où le danseur paraît avancer mais en fait recule. Difficile à exécuter (essayez et vous verrez). Il semble que presque tous nos partis politiques s’y frottent dans la perspective des élections municipales du printemps prochain. Il est même possible de ressentir que beaucoup verraient d’un bon œil le report de cette échéance, tant l’électorat regimbe.
Revue de détail.
Grande inquiétude au Parti Socialiste (inexistant sur Die, même avec la présence de Ghislaine Ribard, Mme Bizouard ayant déserté cette chapelle ), qui prend baffe sur baffe lors des élections partielles qui ont suivi la victoire de 2012. Hantise (récurrente on le verra) de la montée des résultats du Front National. Crainte des effets des désillusions créées par la politique du gouvernement : certes, François Hollande n’avait pas promis grand-chose, mais tout de même. La tentation de ses électeurs de rester au chaud en mars est grande.
Inquiétude partagée par les écologistes d’EELV, déçus eux aussi                (Transition énergétique, fiscalité écologique, fermeture de Centrales atomiques, etc…) sujets à des tourments internes dont le départ de Noël Mamère est l’expression la plus médiatisée, tandis que les élus Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé apparaissent pour ce qu’ils sont : des personnes de convictions malmenées par les socialistes...et encore non virées comme Mme Delphine Batho.
Tourments aussi au Front de Gauche, où les invectives de Jean-Luc Mélenchon l’enferment dans une posture protestataire, violente et catastrophiste, ses propositions de solutions exaspérantes étant passées à l’as par le tamis médiatique. Qui plus est, son féroce mais roboratif sens de l’humour dans la formule s’est fait plus discret. Reste la formule. Mais les tourments du Front de Gauche ne se résument évidemment pas au positionnement de Mélenchon : l’attelage Parti Communiste - Parti de Gauche bat de l’aile, le premier cherchant dans des alliances à géométrie variable à sauver le plus possible de ses élus, le second, qui a peu, insistant sur l’incompatibilité d’alliances avec le Parti Socialiste. Moyennant quoi il est probable que le PCF (Mr Leewenberg) continuera de se faire raboter par le PS, comme se font raboter depuis 1981 tous les alliés du PS (le reliquat stalinien de Die devrait cette fois trépassé) . Le Parti de Gauche risque de se laisser enfermer dans une posture jusqu’auboutiste et contestatrice sans projet. L’attelage opportuniste se reconstituera probablement pour les élections européennes de mai, bien obligé, mais il demeure que le Front de gauche de Mme Morel-Darleux qui se veut plus écolo que les écolos, en tant qu’alternative crédible au « solférinisme » n’existe plus. Même si elle s’évertue de piquer des idées écologistes depuis deux ans de Gorz à Kempf.
Dans le contexte des élections municipales, les partis d’extrême gauche ont toujours eu un rôle plus que marginal. Tout indique que la tradition sera respectée.
A droite, le moral n’est guère meilleur. A l’UMP (de Georges Berginiat), le ballet des chefs devient étourdissant (au sens de fatigant) et devient quadrille, Copé, Fillon, Juppé, Sarkozy, voire de plus menues boutiques. Le Front National peuple les cauchemars des ex-gaullistes : compatible (avec Mr Sanchez) ? Pas compatible ? Si compatible, l’électeur va préférer l’original à la copie. Si pas compatible, risques de seconds tours en triangulaires assassines. Le tout accompagné d’un néant propositionnel qui ferait passer la rue de Solférino pour fontaine à idées.
« Le centre n’est pas le milieu… »
L’UDI péniblement accouchée (à domicile ?) autour de Jean-Louis Borloo tente de ressusciter un centre droit, au visage plus aimable qu’une UMP à droite toute. Et tente de se pacser avec le MoDem de François Bayrou (et à Die de Mr Trémolet), dont on sait qu’il se veut au milieu, comme disaient les Guignols de l’info, ni de droite, ni de gauche. C’est-à-dire de droite, toute, sauf exception locale ? Dans une élection locale, la famille « centriste » a toujours eu l’ambition de préserver les sièges de ses élus, tentant juste, au gré des vents, de grappiller des places supplémentaires… Il en sera de même cette fois-ci, avec l’amusant quoique marginal, amusant parce que marginal exercice de grand écart entre ses élus alliés ici avec des majorités socialistes (Dijon, Lille, Lyon…), là avec l’UMP de Droite.
Reste le Front National. Pas de moonwalk pour lui, qui a un faible historique pour le genre musique militaire, et qui risque d’être le principal bénéficiaire de la morosité et du fatalisme populaire.
Il faudra aller voter. Pour la gauche aérée, nouvelle et progressiste au sens large au second tour. (Une gauche mortifère, clanique et sectaire qui nous gave depuis 20 ans à Die avec ses alliances PS-PCF-POI est morte en perdant Die les dernières municipales).  Pour la gauche écologiste et ses associés (associations, syndicats, familles, etc…)  au premier, là où elle sera présente, tout reste à inventer. Mr Jouve saura il  faire la synthèse ? Sans l’enthousiasme que donnerait la perspective de lendemains plus chantants. Mais au nom de la raison, pour éviter le pire.
cahateauravel@gmail.com
pour « les Indignés du Diois »

dimanche 13 octobre 2013

Gagner à Gauche les élections municipales...sans les staliniens.



Appel aux citoyens et citoyennes pour les élections municipales de mars 2014. Les 23 et 30 mars prochains, les élections municipales auront lieu dans toute la France. Dans chaque commune, vous serez appelés à élire vos conseillères et conseillers municipaux, vos maires, pour six ans, ainsi que les élu-e-s dans les intercommunalités. Voter est un droit ! Pouvoir l’exercer implique d’être inscrit sur les listes électorales d’ici le 31 décembre 2013.
Nous savons que ces élections vous paraissent encore lointaines par rapport aux préoccupations qui vous assaillent chaque jour. Nous vous lançons un appel : de la plus petite à la plus grande commune, ces élections auront une très grande importance sur votre vie et votre ville. C’est à vous, à nous, toutes et tous ensemble, dans chacune de nos communes d’en décider.
Nous avons besoin que ça change pour mieux vivre ensemble.
Car aujourd’hui, la vie est devenue de plus en plus difficile, il y a trop d’injustices. Ce n’est pas une fatalité, l’argent existe mais il est accaparé par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Combattre, cela nécessite de s’attaquer à la finance. Le président élu pour « changer maintenant » ne le fait pas ou peu et poursuit avec son gouvernement les politiques d’austérité et de dérégulation. Nous les comdamnons et engageons des alternatives pour aller chercher l’argent là où il est : dans les banques, le monde de la finance, pour une alternative de transformation sociale et pour une nouvelle politique.
Dès le mois de mars, avec les municipales, nous pouvons gagner des changements dans les territoires par plus de droits et de pouvoir aux citoyennes et citoyens. Il faut, dans le plus de communes possible, encore plus d’élu-e-s qui, à vos côtés,et parmi vous, lutteront contre les inégalités et l’austérité. Des communes qui choisiront le partage, la solidarité, la démocratie, la fraternité et l’écologie humaniste.
Sans attendre, place à la justice sociale
Nous voulons des communes qui font le choix du développement des services publics efficaces et répondants aux besoins réels, pour l’emploi dans les filières environnementales, pour l’école, la santé et "un nouveau projet de santé territoriale", les transports férrés , publics, alternatifs, doux et actifs, la culture et le monde associatif, le sport, l’eau, l’énergie, l’agriculture...un tourisme diffus, doux et éducatif...
Avec des tarifs justes et accessibles pour tous, "jusqu’au paiement autre que par l’argent"  quand c’est possible ; Des communes qui veulent l’égalité pour les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains ; qui construisent une ville pour toutes et tous, garante de la sécurité des personnes, avec des logements sociaux et des programmes d’accession sociale à la propriété, des loyers et des prix de l’immobilier encadrés pour lutter contre la spéculation ; qui ont à cœur un développement économique diversifié, durable et tourné vers le renouveau écologique industriel ; qui se battent pour une fiscalité juste, taxant les grandes fortunes, aident leurs concitoyennes et concitoyens en difficulté et fixent des impôts locaux plus équitables ; qui compensent les suppressions d’emplois dans les filières obsolète par une vrai dynamique des filières écologique  Des communes refusent les expulsions locatives, les coupures d’eau, de gaz et d’électricité, et toute atteinte à la dignité humaine.
Sans attendre, place à l’innovation et à la solidarité !
Engageons de nouvelles solidarités concrètes ! Nous voulons des communes qui soutiennent toutes les formes d’entraide, les nouveaux modes d’échange et de consommation, les activités associatives dans leur diversité, les nouvelles pratiques culturelles, les projets individuels ou collectifs pour mieux vivre ensemble ou pour travailler autrement.
Sans attendre, place à l’égalité et la parité !
Nous voulons des communes qui ont de l’ambition pour tous les territoires, tous les quartiers de leurs communes, dont les projets de développement concernent toutes les habitantes et habitants, de toutes conditions et particulièrement les jeunes, qui parient sur l’innovation, qui s’attachent à ce que tous, dans la mixité sociale et la diversité, vivent bien ensemble ; qui n’abandonnent personne, ni les créateurs d’entreprises, ni les jeunes livrés au chômage et à la précarité, ni les retraité-e-s aux maigres pensions, ni les personnes âgées dépendantes; qui refusent toutes les discriminations, combattent les violences faites aux femmes et agissent pour l’égalité, ne renoncent pas à obtenir le droit de vote pour les étrangers.
Sans attendre, place à plus de démocratie
Nous voulons des communes qui choisissent de construire leurs projets avec les citoyennes et les citoyens, qui les écoutent, les consultent, les associent, leur donnent les moyens d’agir et de contrôler ; des communes qui font entendre et respecter la parole, les besoins de leurs habitant-e-s, qui font le choix de la coopération et qui se battent contre le recul démocratique que représente le projet de loi sur les métropoles, contre la mise en concurrence des territoires.
Dans chaque commune, comme Die nous nous opposerons avec détermination à la droite qui ne rêve que de revanche et de régressions sociales.
Partout, vous et nous ferrons barrage à l’extrême droite qui ne cherche qu’à diviser et à opposer les Françaises et les Français entre eux, à stigmatiser et exclure les immigré-e-s ou les Roms pour faire oublier les vrais responsables de la crise et laisser l’argent gangrener la société.
L’heure est donc au choix entre une aggravation de la situation et des améliorations immédiates et concrètes. Nous appelons toutes les femmes et les hommes, et tout particulièrement les jeunes, disponibles à se rassembler pour construire ensemble les choix, les programmes et les listes susceptibles de les porter avec des candidat-e-s écologistes qui, s’ils sont élus, deviendront des relais des expérimentations sociales et des résistances créatrices, face aux atermoiements du gouvernement. Ce qu’il faut, c’est élire des femmes et des hommes intègres, au service de l’intérêt général comme le sont, vous le savez, les  maires écologistes (aucun n’est en prison, ni n’a détourné un centimes)  et les milliers d’élus municipaux que compte notre pays. Nous appelons toutes les femmes et hommes de progrès, les jeunes, tous les militant-e-s associatifs, syndicaux, tous les citoyen-ne-s à s’engager avec nous et à construire des listes de large rassemblement. Dans tout le pays, les écologistes, dont vous connaissez l’attachement à l’action municipale, l’engagement, l’expérience sur le terrain, se lancent dès aujourd’hui dans ce travail de rassemblement. Avec vous, larguant les partis à leurs querelles historiques et abscondes, avec toute la gauche, sur des programmes de progrès social audacieux et de transition écologique de l’économie, nous entendons construire les listes de rassemblement les plus larges possibles dès le 1er tour de ces élections.
Mobilisons-nous pour qu’elles soient victorieuses dans le plus grand nombre de communes afin d’influer sur les Inter-communautés ensuite. Si ce n’est pas le cas, le second tour appellera l’impératif de rassembler contre la droite et l’extrême droite pour une gauche ouverte, respectueuse et généreuse. Pas question de les laisser détruire demain les solidarités dans nos communes !
Ce que le gouvernement ne veut pas faire, une vraie politique de gauche, nous, nous voulons le réussir avec vous.
Les élections municipales seront une étape majeure pour cela. À vos côtés, dans la durée, les écologistes, les alternatifs, le monde associatif et syndical s’engagent dans cette bataille, unis et déterminés, animés partout, quelle que soit la diversité des situations locales, de la même passion de rassembler et d’œuvrer pour "bien vivre"ensemble à Die et dans le Diois.
Les Indignés du Diois (LUCIDE) : chateauravel@gmail.com
Diois Libertaire.
Les 99%.
Les écologistes diois « non encartés ».
Les Communistes Libertaires.
Droits Paysans.
Land and Freedom.
Association de préservation des terres agricoles du Diois.
Die et Z'Elles ( Osons le féminisme).

dimanche 6 octobre 2013

L' extrême Droite avance masquée...



Les équivoques de la lutte contre l'extrémisme. Extrême droite, islamisme, islamophobie…
En 1879, considérant que les "grands événements politiques (...) sont recouverts par des épisodes insignifiants à côté desquels ils paraissent mesquins", Nietzsche disait de la presse, occupée quotidiennement "à crier, à étourdir, à exciter, à effrayer", qu'elle n'était guère que "la fausse alerte permanente qui détourne les oreilles et les sens dans la mauvaise direction (1)". Aujourd'hui l'on peut dire des médias qu'ils déversent une feinte indignation permanente à propos de la plupart des événements, petits ou grands. Cette rhétorique de l'indignation morale est indissociable d'un usage démagogique de la dénonciation diabolisante impliquant une tactique de diversion ou d'aveuglement, souvent assortie d'un appel à la mise à l'écart des individus ou des groupes jugés suspects. De nombreux citoyens restent perplexes devant ces indignations à répétition, trop virulentes et trop insistantes pour n'être pas douteuses. Ces prêches accusatoires, véritables fabriques de suspects, deviennent eux-mêmes suspects. C'est pourquoi leur multiplication s'accompagne, dans le grand public, d'une flambée d'interrogations plus ou moins naïve, que traduisent ces quelques questions : Que veulent réellement les professionnels de l'indignation et de la dénonciation hyperboliques ? Que veulent-ils nous faire croire ? Où veulent-ils nous conduire ?
Cette théâtralisation de l'indignation permanente constitue le principal rituel de la profession médiatique qui, par la pression qu'elle exerce, contraint les acteurs politiques à suivre le mouvement. D'où cette euphorie dans la mise en spectacle, reprise en boucle, de la triade indignation-dénonciation-condamnation. D'où, plus profondément, l'impression que le monde tout entier, à chaque instant, est en guerre, une guerre polymorphe à visage criminel, et que la catastrophe est l'ordinaire de l'existence. Assister au spectacle de cette guerre en images est devenu l'équivalent d'une activité festive. La tension et l'agitation frénétique qui s'ensuivent, se renouvelant chaque jour, produisent un délicieux vertige chez les amateurs d'"actualités", qui forment désormais la majorité des humains, devenus des contemplateurs-consommateurs jubilatoires d'événements inquiétants, dont l'attribut principal est une sorte de nouveauté répétitive terriblement captivante. Le feuilleton mondial, grand récit sans intrigue centrale, continue sans interruption ni fin, par définition. Les spectateurs sont ainsi toujours tenus en haleine. Esthétisé, le cauchemar les conforte dans l'idée qu'ils vivent dans un monde chaotique et terrifiant, et qu'il n'y a rien à faire, ou pas grand-chose. Ils se consolent de savoir qu'ils sont embarqués pour le pire.
L'objet principal, ou la cible privilégiée, de ce dispositif polémique est ce qu'il est convenu de nommer "l'extrémisme". Mais, parmi les extrémismes sélectionnés par la machine médiatique, il en est un qui est systématiquement mis en avant et soigneusement mis en scène, du moins dans l'espace public occidental (ou occidentalisé), un extrémisme politique censé incarner le Mal absolu : l'extrémisme dit "de droite", ou "l'extrême droite". Tel est le nom commun de l'extrémisme qui fait le plus frémir, celui qui doit faire frémir pour que l'ordre règne, celui du Bien. Un extrémisme répulsif censé pourtant attirer, séduire, suborner, pour mieux contaminer ses victimes naïves. D'où, à titre défensif, la mise en place par les Bons d'un dualisme manichéen, que traduit, dans la rhétorique politicienne, la mythologie de la "ligne jaune" ou de la "ligne rouge", dénominations concurrentes de la frontière dangereuse qui sépare le monde du Bien et celui du Mal, le peuple des Bons et celui des Méchants. Pour un habitant d'une quelconque contrée politique du continent du Bien (socialisme, libéralisme, centrisme), franchir la ligne colorée, c'est basculer dans ce qu'il est convenu d'appeler "le pire" : non pas "l'extrémisme" en général, mais "l'extrême droite" - avec ses quasi-synonymes : "fascisme", "(ultra-)nationalisme", "racisme", etc. Ces termes sont les dénominations courantes de la menace jugée principale, et, aux yeux de certains, exclusive. Un système de surveillance paranoïaque s'est mis en place, dont l'objectif est d'identifier et d'inventorier le moindre indice d'un "glissement à droite" d'un homme de gauche (tel Manuel Valls aujourd'hui), et le plus léger frémissement d'une "dérive vers l'extrême droite" (dite "droitisation") d'un homme de droite (tel Jean-François Copé il y a quelques mois). S'allument alors des "alertes rouges" (les "alertes jaunes" restent à inventer). Tel est le principe de la nouvelle chasse aux sorcières sous le règne de la suspicion hypermorale.
Un nouveau venu doit être mentionné : l'"islamophobie", terme équivoque dont l'usage s'est banalisé en même temps que s'inscrivait dans le paysage mondial le terrorisme islamiste. On peut s'en étonner, voire s'en scandaliser : s'il est une menace pesant sur la sécurité et la liberté des citoyens, c'est bien la menace islamiste. Il est donc politiquement légitime, pour tout citoyen d'une nation démocratique, de s'élever contre toutes les formes de l'islam politique qui, des Frères musulmans aux salafistes, enseignent et justifient la vision jihadiste du monde, et en font un thème central de leur propagande. Sur la question, il faut être le plus clair possible : à toute critique de l'islamisme, les islamistes répliquent par l'accusation d'"islamophobie". Ce sont d'abord les milieux islamistes qui feignent de s'indigner d'une prétendue "islamophobie" qui inspirerait le rejet du voile intégral, de la charia ou du jihad. L'accusation abusive est ensuite reprise et orchestrée par les milieux d'extrême gauche.
Étrangement, donc, le terrorisme islamiste, qui, en raison des massacres de masse qu'on peut lui attribuer depuis une trentaine d'années, devrait constituer la principale cible des anti-extrémistes déclarés, est non seulement sous-estimé, mais sa dénonciation est jugée "islamophobe", et dénoncée comme telle. Les nouvelles "belles âmes" s'émeuvent infiniment plus de la mort plus ou moins accidentelle d'un "antifasciste" militant - dès lors qu'elle semble pouvoir être attribuée à des marginaux des milieux nationalistes - que de l'assassinat de dizaines de milliers de personnes par des commandos jihadistes. Le caractère hautement sélectif de l'indignation anti-extrémiste routinisée confine au scandale. Nous sommes ici au cœur du "politiquement correct" (PC) contemporain à l'européenne, qui culmine dans le PC d'origine communiste à la française. Son effet attendu est l'extension de la peur panique de transgresser l'interdit idéologique, ou d'être dénoncé comme le transgressant. "Franchir la ligne (rouge ou jaune)", c'est là désormais la définition même du péché mortel, lorsque la politique est intégralement soumise à l'extrémisme hypermoral. Le néo-antifascisme a réinventé le diable et les tentations diaboliques. Le franchissement de la ligne, donc, reviendrait à pactiser avec le diable, voire à devenir diable soi-même. L'intimidation est forte, et fonctionne encore dans le champ politique. Car l'on sait que transgresser l'interdit, c'est se vouer ou être voué à l'exécration publique, à la mort sociale, à la haine factice devenue réflexe idéologique.
Si l'"islamophobie" est si violemment dénoncée par les milieux néo-antifascistes, c'est parce qu'elle est supposée constituer un indice majeur de la pensée "d'extrême droite", au sein de laquelle elle aurait remplacé l'antisémitisme. Dans les milieux néo-antifascistes d'extrême gauche, tous communiant dans un antisionisme radical (soit la nouvelle forme de la haine idéologisée visant les Juifs), on se félicite en effet que la lutte contre l'extrême droite aille de pair avec la "lutte contre l'islamophobie", donc, selon eux, avec la lutte contre "le sionisme". Un pseudo-antiracisme instrumental s'est ainsi constitué, donnant pour tâche principale à l'antiracisme de "lutter contre l'islamophobie", comme si "l'islamophobie" était devenu un "marqueur idéologique" (comme disent les sociologues débutants) de l'extrême droite. En raison des besoins croissants de la propagande pro-palestinienne et anti-israélienne, les usages pseudo-antiracistes du terme "islamophobie" sont voués à se banaliser. Rappelons brièvement qu'il s'agit d'un terme d'insulte au sens flou abusivement érigé en concept ou en catégorie descriptive, employé par certains milieux militants (islamistes et/ou gauchistes), depuis le début des années 1980, pour interdire toute critique de l'islam, et plus particulièrement de l'islamisme. Ce mot accusateur a été intégré dans le vocabulaire de combat du néo-antifascisme gauchiste au cours des premières années du XXIe siècle.
Reconnaître les usages douteux ou strictement tactiques du mot "islamophobie" n'implique nullement son rejet pur et simple. Il s'agit bien plutôt de le définir clairement, ce que les "anti-islamophobes" de métier ne font jamais, provoquant un malaise permanent dans le débat public. Le terme d'islamophobie devrait être utilisé, d'une façon stricte, pour désigner, sur le plan des opinions, les appels à la haine, à la discrimination et à la violence visant la religion musulmane comme telle et/ou les musulmans comme tels. Ou, pour le dire plus conceptuellement, l'essentialisation et la diabolisation de l'islam et des musulmans. Si les dénonciateurs de "l'islamophobie" s'en tenaient à cette définition, le malaise disparaîtrait avec l'équivocité du terme. Mais les "anti-islamophobes" professionnels, qu'ils soient gauchistes ou islamistes, n'ont cure des définitions claires, ils ont besoin, tout au contraire, de notions floues et de catégories attrape-tout. La confusion conceptuelle est pour eux un atout. Un fait majeur doit être souligné : la caractéristique nouvelle du néo-antifascisme est qu'il tend à faire front commun avec certains milieux islamistes, qui ont bien compris que cette nouvelle militance gauchiste "radicale" ne tenait pas l'islamisme pour un ennemi. Ses ennemis imaginaires - "capitalisme", "impérialisme", "fascisme", "sionisme" - sont les branches de l'arbre qui leur cache la forêt.
En même temps, on constate que ceux qui minimisent ou nient la menace islamiste à visage terroriste ne font nullement l'objet de campagnes de presse et ne sont en aucune manière mis à l'écart du débat public. Nulle ligne colorée n'est tracée autour des légitimateurs ou des minimisateurs de l'islamisme, ni autour des négateurs de la menace qu'il incarne. Les journalistes, les intellectuels et les éditeurs spécialisés en la matière bénéficient d'une impunité qui devrait surprendre et scandaliser tous les citoyens. Car, à quelques exceptions près, les réactions critiques sont invisibles et inaudibles dans le paysage médiatique. Comme si l'aveuglement et la surdité volontaires, dans le seul cas de l'extrémisme islamiste, étaient de rigueur. La complaisance prend ici l'allure d'une complicité de fait. Les indignés médiatiques ordinaires se taisent, ou font écho aux campagnes de dénonciation de "l'islamophobie", ce mal censé ravager la société française.
La stratégie de l'indignation-dénonciation centrée exclusivement sur "l'extrême droite" s'est réduite aujourd'hui à une démagogie ossifiée dont les effets symboliques sont à peu près nuls. Le rabâchage du discours antifasciste des années trente est inopérant. Il relève d'un terrorisme intellectuel dont les agents sont d'autant plus rageurs qu'ils se sentent impuissants. Leur fuite en avant dans les dénonciations hyperboliques, dénuées de toute crédibilité, en témoigne. Dans ce cadre, la récente dénonciation de "l'islamophobie" est celle d'un mal imaginaire, dont la construction sociale et politique attend d'être sérieusement étudiée. En attendant qu'un sociologue courageux se mette au travail, on se contentera de souligner que cette dénonciation instrumentale de "l'islamophobie" remplit certaines fonctions, que nous avons brièvement caractérisées.
Si l'indignation morale n'est pas une politique, l'indignation sélective est une impolitique. Elle masque les véritables menaces en exagérant cyniquement l'importance de phénomènes électoraux qui ne menacent guère que les situations acquises. Les postes de quelques élus de droite ou de gauche n'ont pas un caractère sacré. Dans une démocratie pluraliste qui fonctionne, aucun élu n'est un intouchable. Par ailleurs, le libre examen critique des religions ne saurait être confondu avec l'appel à la haine contre les croyants. Les campagnes islamo-gauchistes contre "l'islamophobie" jouent sur la confusion entre la critique de l'islam, le rejet de l'islamisme et le "racisme" (terme ici impropre). S'il y a une menace islamiste, illustrée chaque jour par les victimes du terrorisme jihadiste, il n'y pas de réelle menace "islamophobe". Même dans l'idéologie raciste et xénophobe d'un parti néo-nazi comme Aube dorée, en Grèce, "l'islamophobie" n'a nullement remplacé le mélange de vieil antisémitisme et d'antisionisme radical qu'on rencontre ailleurs dans les groupuscules d'extrême droite. Insister sur "l'islamophobie", c'est aussi une manière d'oublier la xénophobie anti-immigrés qui caractérise la plupart des mouvements nationalistes en Europe. Or, les immigrés sont loin d'être tous musulmans, et ils sont rejetés par les mouvements xénophobes avant tout en tant qu'immigrés, sur la base de thèmes tels que le "parasitisme social" et la "délinquance".
En France, les prétendus "islamophobes", c'est-à-dire les anti-islamistes ainsi stigmatisés par les islamistes et leurs affidés d'extrême gauche, ne tuent personne et n'appellent nullement à chasser les musulmans du territoire. C'est que les anti-islamistes à la française, dans leur grande majorité, ne sont pas "islamophobes" au sens strict du terme, ils sont "islamismophobes". Les anti-islamistes abusivement dénoncés comme "islamophobes" sont mis au pilori, injuriés, poursuivis par des officines pseudo-antiracistes. Et ce, alors même que dans les sociétés démocratiques contemporaines, tout citoyen peut être une victime d'attentats terroristes commis au nom de l'islam. Telle est la dure réalité qu'il faut reconnaître. Ce constat n'implique nullement, répétons-le, de confondre la religion musulmane avec ses usages politiques guerriers. L'islam est loin de se réduire aux islamismes de diverses obédiences. Mais ce sont ces derniers qui constituent l'extrémisme politico-religieux le plus dangereux. La dénonciation contemporaine de "l'islamophobie" illustre une tactique de diversion, destinée à occulter la menace islamiste. Il est temps de sortir de la torpeur médiatico-politicienne et de l'engluement dans les faux débats, de dissiper les illusions ou les confusions consolantes et d'ouvrir les yeux sur les menaces réelles.
Pierre-André Taguieff
(1) Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain. Un livre pour esprits libres, t. II (1879-1880 ; 1886), Opinions et sentences mêlées (1879), § 321, tr. fr. Robert Rovini, in Œuvres philosophiques complètes, Paris, Gallimard, t. III, vol. 2, 1968, pp. 130-131.
Pierre-André Taguieff : Philosophe, politologue et historien des idées, Pierre-André Taguieff, né à Paris le 4 août 1946, est directeur de recherche au CNRS, rattaché au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof, Paris). Il a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (histoire des idées politiques, pensée politique) de 1985 à 2005.

jeudi 26 septembre 2013

Capitalisme et destructions


Le coup de gueule de Naomi Klein contre l’alliance des écolos et des capitalistes

Les grandes organisations d’environnement ont une responsabilité aussi grande que les climato-sceptiques dans le présent reflux de la politique écologique : c’est la forte thèse défendue par la journaliste altermondialiste Naomi Klein. Selon elle, le choix de collaborer avec les grandes compagnies et l’idéologie néo-libérale a conduit à l’échec. Ses propos provoquent un vif débat aux Etats-Unis.

La célèbre journaliste canadienne, militante altermondialiste connue pour ses livres No Logo et La Stratégie du choc, vient de déclencher une furieuse polémique au sein du mouvement écologiste nord-américain.
Il y a deux ans, Klein avait écrit dans le journal The Nation que le militantisme climatique et le capitalisme étaient incompatibles. Elle observait que les climato-sceptiques l’étaient pour des raisons idéologiques : ils comprennent très bien que si le changement climatique se produit, la seule façon d’échapper à ses conséquences est de remettre en cause le système économique actuel, le capitalisme. Selon elle, la seule réponse adaptée à la menace climatique résidait « dans la pulvérisation de l’idéologie du marché libre, laquelle a dominé l’économie depuis plus de trois décennies ».
Elle poursuit dans cette voie en accusant cette fois les principaux groupes environnementalistes de n’avoir pas compris cette vérité élémentaire, ce qui les a conduit à nouer des alliances coupables avec les grandes corporations.
Les « Big Greens », mauvais leaders
Voici une traduction partielle des propos de Naomi Klein, tirés d’un long entretien publié par le Earth Island Journal :
« Le mouvement écologiste fait preuve d’un déni profond quand il s’agit des « Big Greens », « les principales organisations environnementales. Selon moi, celles-ci ont fait plus de dégâts que les négationnistes climatiques de droite. Si on a perdu tellement de temps, c’est bien à cause d’elles, qui nous ont tous entrainés dans une direction débouchant sur des résultats déplorables.
Si on examine ce qui s’est passé sous l’égide du protocole de Kyoto dans la dernière décennie– les mécanismes de l’ONU, ceux mis en place par l’Union européenne - , on voit combien tout cela a été désastreux. (…)
La droite avait combattu les échanges de permis d’émission en prétendant qu’ils allaient nous mener à la faillite, qu’on distribuait des aumônes aux grandes compagnies, et qu’en plus ça n’allait pas marcher. La droite avait raison ! Non pas pour la faillite de l’économie, mais pour le fait qu’il s’agissait de cadeaux énormes consentis aux grandes sociétés. Elle avait raison aussi de prévoir que ces mécanismes ne nous rapprochaient pas de ce que souhaitaient les scientifiques, à savoir baisser les émissions. Alors, pourquoi les groupes verts se sont-ils obstinés dans cette voie ? »
Naomi Klein observe que "le niveau de réduction des émissions dont nous avons besoin dans les pays développés est incompatible avec la croissance économique".
Elle rappelle que, dans les années 1970, le mouvement environnemental était très puissant, et avait réussi à imposer un fort appareil législatif pour réduire la pollution. Mais avec l’élection de Ronald Reagan comme président des Etats-Unis, une politique opposée à l’environnement s’est mis en place. Et plutôt que d’y résister, les mouvements environnementaux ont choisi de chercher à collaborer avec les grandes entreprises. Elle cite Fred Krupp, le président d’Environmental Defense Fund, une importante ONG états-unienne, pour avoir clairement énoncé cette politique. Il se trouve, ce qu’elle ne dit pas, que Fred Krupp est un participant régulier du groupe Bildelberg, qui réunit chaque année des grands patrons et des responsables politiques pour définir la politique néo-libérale à appliquer dans le monde.
Ainsi, explique Naomi Klein, «  pour les environnementalistes, il s’agissait d’établir des alliances avec les entreprises. Ils n’étaient pas sur la ligne : « Attaquons ces salauds ! », mais sur la ligne : « Oeuvrons ensemble, les salauds et nous ! » Cela revient à désigner les corporations comme acteurs volontaires de la solution. »
«  Nous avons globalisé un modèle économique insoutenable d’hyperconsommation. Il se répand dans le monde avec succès, et il nous tue. (…) Les groupes environnementalistes n’ont pas été les spectateurs de ce phénomène, ils en ont été les partenaires. Ils voulaient en faire partie. »
Les grandes ONG d’environnement ont ainsi accepté, voire soutenu, le traité de libre-échange entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, dit Alena, malgré son l’abaissement des protections de l’environnement qu’il impliquait.
« Je ne dis pas que tous les groupes ont été complices : ni Greenpeace, ni les Amis de la terre, ni, globalement, le Sierra Club. Et ni 350.org, qui n’existait pas encore. Mais cela remonte aux racines du mouvement. (…)
Ces élites historiques avaient décidé de sauver la nature, elles étaient respectées pour cela. Si donc le mouvement environnementaliste avait décidé de les combattre, leurs élites auraient risqué perdre leur aura, et personne n’était vraiment prêt à assumer cela. Je pense que cette situation est largement à l’origine du niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre. (…)
La stratégie du soi-disant win-win (gagnant-gagnant) a lamentablement échoué. C’était l’idée générale des échanges de permis d’émission. Les groupes verts ne sont pas aussi malins qu’ils ne le croient. Ils ont joué à trop grande échelle. Nombre de leurs partenaires avaient un pied dans le Climate Action Partnership, et un autre à la Chambre de commerce. »
Naomi Klein observe qu’en Europe, les choses bougent dans un autre sens. Plus de cent organisations ont ainsi pris position pour en finir avec le marché du carbone. « C’est le genre de choses que nous devons faire maintenant. Nous n’avons plus le temps de perdre du temps. »
Les premières réponses outrées – et argumentées – commencent à tomber. Le site ClimateProgress écrit notamment :
« Elle n’a pas seulement tort, elle a profondément tort. Son approche révisionniste est fausse, et contredite par ses propres prescriptions politiques. »
Il souligne notamment qu’en Europe, les émissions de gaz carbonique ont diminué, ce qu’il attribue au marché des émissions, dit ETS (European trading system) :
Evolution des émissions de CO2 et du produit intérieur brut dans l’Union européenne.
A quoi Naomi Klein a répondu à son tour sur son propre site, conseillant d’attendre la parution de son prochain livre, promis pour 2014.
La critique des grandes ONG environnementales a déjà été menée en France. Dans Qui a tué l’écologie ? (éd. Les liens qui libèrent, 2011), le journaliste Fabrice Nicolino a mené une vive charge contre le WWF, FNE et Greenpeace pour leur politique de collaboration avec les grandes entreprises et le gouvernement. De même, dans Comment la mondialisation a tué l’écologie (éd. Les Mille et une nuits, 2012), Aurélien Bernier a montré que l’idéologie néo-libérale a fortement influencé le mouvement écologiste à partir des années 1980.

Source : Hélène Crié-Wiesner et Hervé Kempf pour Reporterre.
Illustrations :
- portrait Naomi Klein : Earth island
- graphe émissions : Climate progress
Lire aussi : Pour sauver la planète, sortez du capitalisme

mercredi 18 septembre 2013

Contre les idées complotistes...



- Soral et Dieudonné. Complotisme ou parrésia
« Professionnels de la communication, usant de tactiques sophistiquées pour se garantir audience et succès commercial», Soral et Dieudonné constituent « un phénomène important », aux yeux du politologue Hamdi Nabli (1). Un paradoxe, « dans la mesure où leur “pensée” est nulle ». Démonstration.
- Bannis des médias, ils défraient la chronique ; black-listés par les éditorialistes de « l’Establishment », ils occupent les esprits. Alain Soral et Dieudonné forment un duo comique jouant la carte du nihilisme pour faire rire d’un pouvoir risible, ou pour faire haïr une oligarchie détestable. Au vu des provocations de l’un et des prises de position de l’autre,  ils représentent pour la République et ses valeurs un trou béant, un binôme dramatique que le pouvoir tente de sur-dramatiser (Valls à La Rochelle), dans le même geste nihiliste de fuite en avant qu’affectionnent les intéressés… Au couple tragique fait face le politique en panique !
- Si le pouvoir panique, c’est que le couple formé par Soral et Dieudonné constitue un phénomène important. Le pouvoir a affaire à des professionnels de la communication, usant de tactiques sophistiquées pour se garantir audience et succès commercial ; ainsi, grâce à Internet, les black-listés des médias mainstream possèdent eux-mêmes une puissance médiatique – stratégie typiquement postmoderne : renverser le rapport de forces défavorable par l’usage de la technique. Techniciens de la communication, ils savent faire parler d’eux. La différence avec les publicitaires est qu’ils ne vendent pas directement un produit, mais qu’ils tentent de faire passer un discours, et que ce discours passe – notamment auprès des jeunes. Dans une société basée sur l’autocontrôle, l’autocensure et l’obéissance généralisée, Soral et Dieudonné s’évertuent effrontément à inculquer à leurs disciples/fans les vertus du politiquement incorrect ; base de leur “ enseignement ” : il faut apprendre à désobéir – considération intempestive : Soral et Dieudonné éducateurs.
- L’importance sociale de Soral et de Dieudonné est paradoxale, dans la mesure où leur “ pensée ” est nulle. Dans le cas du pamphlétaire, cela est problématique ; conceptuellement, Soral est un homme du XIXe siècle : ses idées proviennent d’un univers mental dépassé. L’application de la méthode dialectique permet l’élaboration d’un discours hyper-simpliste et engendre un manque de nuance fatal à l’analyse (géo)politique. Sa principale dialectique repose sur l’opposition entre Empire (dominant) et nations (dominées). Or le terme d’Empire est ambigu.
- Si l’Empire, de l’Antiquité à la Renaissance, était le cadre extensif d’une société de type aristocratique où régnait une hiérarchie naturelle juridiquement réglée (exemple parfait : la Rome des Césars), l’Empire, depuis les Temps modernes, est le cadre intensif d’une société de type démocratique où règne une égalité juridique naturellement déréglée (exemple parfait : l’Amérique du dernier homme consommateur/jouisseur…).
- Soral confond les deux, car l’Occident est la première victime de sa mondialisation et de l’uniformatisation culturelle, et s’il a imposé impérialement son modèle capitaliste et déstructurant à travers la colonisation, ce modèle s’est ensuite diffusé sans force : les indépendances nationales ont débouché sur une course à la croissance et au développement à l’échelle planétaire. L’ « ère de la technique » (Heidegger), si elle a débuté en Europe, est désormais universelle.
- En outre, l’opposition Empire/nations est factice : les Nations européennes modernes ont été impériales, les Empires modernes ont été nationaux. Entretenir cette opposition, c’est négliger le fait politique de toute la Modernité : la constitution d’États-nations visant la domination du monde. Soral joue la carte de la dialectique pour avancer qu’à présent les nations résistent à l’Empire, dit « américano-sioniste », sans s’interroger sur le fait que cet « Empire » soit le fruit de projets nationaux – le sionisme n’est-il pas une forme de nationalisme ? Et qu’en est-il de la Nation américaine ? Et la Russie, vue par lui comme « nation résistante », ne se conçoit-elle pas comme un Empire en devenir ? Et la Nation même, concept typiquement moderne, n’est-elle pas la forme politique décadente qu’abhorrent les traditionnalistes (René Guénon, Julius Evola) que Soral encense par ailleurs ? Et le programme « Droite des valeurs/Gauche du travail » de celui qui se dit marxiste n’est-il pas à mille lieues de la société sans classes, et ne s’inspire-t-il pas plutôt de l’ordre nietzschéen où la Civilisation aristocratique superpose une morale des maîtres (valeurs : Gloire et Honneur) et une morale des esclaves (travail : obéissance et servilité) ? Trop de contradictions.
- Pis : la dialectique est la méthode même du pouvoir, qui par les antagonismes réglés qu’il fabrique (dominants/dominés) impose une grille d’intelligibilité composée d’oppositions factices (bien/mal). Soral utilise une arme conceptuelle typique du simulacre de second ordre – la rationalité dialectique – pour lutter contre un système qui a déjà mué en un simulacre de troisième ordre, une simulation – il n’y a désormais plus de sens, ni de grande référence comme « le Pouvoir » (Jean Baudrillard, L’échange symbolique et la mort). C’est là toute sa faiblesse, le fait qu’il soit si inconséquent intellectuellement : il a loupé le tournant idéel du postmodernisme. En fait, Soral est un phénomène social hybride, de facture postmoderne, car utilisant le moyen viral de la simulation numérique, mais à contenu moderne, car véhiculant des messages dialectiques d’un autre temps. Sa ruse consiste à utiliser son talent rhétorique pour cacher ses contradictions.
- Son entreprise relève d’une psychologie primaire des intentions, présupposant l’existence d’une intention maléfique : derrière chaque évènement se cache un pouvoir mystificateur, un esprit malfaisant ou un génie… un démon (juif), une grande puissance (l’Amérique). « Mentalité primitive », au fond (Lucien Lévy-Bruhl). La psychologie primaire des intentions est aussi la « psychologie du prêtre » guidant le troupeau (Nietzsche, Généalogie de la morale) : « le prêtre est celui qui fait dévier la direction du ressentiment » en identifiant une cause à la souffrance – à la différence près que Soral adopte une posture réaliste adaptée à notre monde déchristianisé : il ne dit pas « moi, pauvre créature terrestre, j’ai péché », mais : « moi, ancien du Parti communiste, j’ai souffert. » Normal que Soral utilise la dialectique : dans son Crépuscule des idoles, Nietzsche conçoit cette méthode comme la technique permettant l’expression du ressentiment plébéien.
- Pensée unique et théorie du complot forment la matrice discursive grâce à laquelle deux fictions, « le pouvoir » et « la résistance », subsistent. Les “ complotistes ” renforcent le système : leurs discours accréditent la chimère d’une élite manipulant le monde et donnent ainsi au « pouvoir » une capacité – la prise de décision – qu’il n’a pas, une existence qu’il a perdu au profit du hasard, de l’incertitude et de l’indétermination qui gouvernent le monde. Dans les faits, les pouvoirs politiques vacillent, le Pouvoir mondial n’est nulle part. C’est donc une chance que les “ complotistes ” existent, pour les élites : en leur imputant tous les faits (crises, guerres et catastrophes), ils leur donnent une légitimité introuvable, du moins une responsabilité qu’elles n’espéraient plus.
- La théorie du complot résonne comme le discours des exclus de la représentation. Soral et Dieudonné ont été écartés de la société du spectacle ; dès lors, ils représentent ceux-qui-ne-sont-pas-représentés. Si la dérision est une fin en soi pour Dieudonné, elle est un moyen pour Soral, qui tente une rationalisation de l’entreprise pataphysique de son acolyte – qu’est-ce que l’antisionisme pour un bouffon, sinon une solution imaginaire au sens de Jarry ? Avec Soral, le geste du bouffon s’articule autour d’un discours “ rationnel ” et lui enlève une partie de sa frivolité, donc de sa dangerosité. La part irrationnelle du burlesque suffit largement à déstabiliser le système, alors que la théorie du complot comme dialectique permet au système d’agencer sa pensée unique sur une contradiction sur laquelle elle peut s’appuyer. Le bouffon tournant en dérision le logos a la force dionysiaque de dissoudre en pensée tous les rapports de pouvoir ; Soral croit trop en l’opposition entre le frivole et le sérieux, alors que celle-ci a disparu : pas plus risible qu’un homme politique ; Dieudonné l’a compris : il manie l’humour tragique, qui fait mourir de rire le dieu Logos.
- Ce qui est fascinant chez Soral, c’est l’impression qu’il veut donner de posséder la vérité, c’est cette folie de celui qui a une certitude concernant la vérité relative à la politique mondiale !... Cette velléité constitue la base de la « domination charismatique » (Max Weber) qu’il exerce sur les jeunes de son Club. Comment la psychologie primaire des intentions (« derrière tout fait se cache un démon »), qui devrait entraîner un fatalisme absolu, conduit-elle à l’agitation et à la propagande ? C’est que cette agitation et cette propagande ne visent aucun but particulier, aucun objectif concret : elles trouvent leur finalité en elles-mêmes. Autrement dit, Soral partage avec Dieudonné le sentiment tragique de l’anti-eschatologie politique : il n’existe pas de finalité heureuse à l’acte “ critique ”, juste un sentiment de pouvoir supporter l’insoutenable lourdeur de l’être. D’ailleurs, le complotisme a quelque chose de tragique ; son credo dogmatique est : la fin de l’Histoire (le nouvel ordre mondial comme happy-end) est un complot ourdi par les gagnants de la guerre froide ; or il faut que l’Histoire (c’est-à-dire la tragédie) continue !
- Si la “ pensée ” de Soral et de Dieudonné est nulle, elle l’est aussi au sens où « l’art contemporain est nul » (Baudrillard). Révélatrices de l’indistinction postmoderne entre réalité et fiction, les théories complotistes proposent une réalité (éco-stratégique, géopolitique) qui est une fiction inventée par des scénaristes, « les maîtres du monde », dont l’objectif est que leur fiction devienne réalité… Le monde ready-made. Dès lors, déjouer le complot consiste à dénouer l’ordre du réel (la nation et ses singularités…) de l’ordre du virtuel (le gouvernement mondial). Chez Soral, cette dé-liaison prend la forme hyper-archaïque de la dialectique : les nations contre l’Empire. Chez Dieudonné, la lutte prend la forme d’une confusion entre l’homme de spectacle et le personnage de fiction : dans Cocorico, un sans-papier se voyait annoncer que « [sa] vie est un combat perdu d’avance… » Humour noir et nihilisme jouissif… « Le comique, c’est une attente qui se résout dans le néant, qui se dissout en rien » (Kant). Dans l’un de ses sketchs, Dieudonné demande « c’est quoi ta nationalité ? » à un pygmée rencontré par hasard ; « la forêt » répond ce dernier. « La jouissance [du rire], c’est la désagrégation du logos répressif » (Jean Baudrillard, L’échange symbolique…) ; Socrate à Saint-Tropez n’a qu’à bien se tenir.
- Les cyniques de l’Antiquité pratiquaient la parrésia, le franc-parler (Michel Foucault, Le courage de la vérité). Cette pratique a eu un écho dans l’histoire culturelle – ses dernières manifestations notables furent le dandysme, l’anarchisme révolutionnaire et le mouvement punk. Le phénomène « Soral et Dieudonné » pourrait constituer une réactivation de cette pratique, à une époque marquée par le retour de la morale ; or « au regard de la morale et des mœurs, la gauche a pris le relais de la droite » (Baudrillard, L’échange symbolique…) ; pas étonnant que l’immoralité se soit déplacée à l’extrême droite. L’instrumentalisation des thèmes de l’extrême droite (nationalisme, immigration, racisme, etc.) joue, à une ère post-politique où ces thèmes sont caducs, le rôle de capteur d’immoralité. Alors que l’intégration des fils d’immigrés s’effectue lentement mais sûrement, les Éric Zemmour, les Élisabeth Lévy et tous les décomplexés de France, sous le sceau de la libre pensée, de l’immoralisme et de Philippe Murray (le pauvre, s’il savait…), se permettent d’exprimer des opinions politiques tendancieuses dans une posture faussement courageuse : leur cible, l’islam, est l’entité la moins forte dans le rapport de forces actuel, et le système tout entier use de la peur de l’islam comme stabilisateur social factice. Soral s’attaque à une entité plus puissante selon lui ; et comme l’explique Finkielkraut, « [Soral] n’est pas un tricheur ; il [joue] carte sur table ; il [affiche] ses terrifiantes convictions » (Enquête&Débats, 26 avril 2011). C’est l’alliance entre la conviction de dire la vérité et  l’affichage ostentatoire de cette soi-disant « vérité » qui forme précisément l’idiosyncrasie du parrésiaste – mais Soral se dit rationaliste, alors que le cynique est plus sceptique, voire nihiliste, qui ne croit pas même en une quelconque vérité : la psychologie de Dieudonné se rapproche de ce type.
- L’exclusion de Soral et de Dieudonné de la scène socio-médiatique fait qu’ils incarnent automatiquement une forme de courage, sans même qu’ils n’aient à entreprendre d’actions grandioses. En effet, la simple critique d’Israël et de sa politique constitue un exercice fort périlleux (P. Boniface), et avec la loi Gayssot, le négationnisme est quasiment une expérience-limite. Pour le comique se présentant comme le bouffon du Roi, la tentation est grande de remettre en cause avec le sourire l’évènement capital du XXe siècle et d’attaquer l’État qui en est pour partie issu : il ne s’agit pas de surmonter la contradiction par la dialectique (Hegel), mais de transgresser la limite (Bataille) par le courage du franc-parler (Foucault) ; l’effet comique est rendu facile par cette loi mémorielle : elle impose le regard de l’État sur l’Histoire. En gros, avec Gayssot, pour lutter contre le fascisme, on interdit de penser – après la drôle de guerre contre les nazis sous la IIIe République, la drôle de lutte contre le fascisme sous la Ve : pour un humoriste nihiliste, c’est du pain bénit.
- En réussissant à additionner la mise en jeu de sa mort médiatique (martyrologie) et l’appropriation des armes de la puissance dominante (Internet), Dieudonné a acquis « l’esprit du terrorisme » (Baudrillard), reposant sur l’alliage entre le marketing et le scandale. Normal que le politique panique : Dieudonné et Soral se logent au cœur même du système. Le 11-Septembre n’a pas provoqué de panique, car le coup fut vécu comme provenant d’un dehors absolu, alors que la panique est un mal de l’intérieur (Jean-Pierre Dupuy, La panique). Le succès qu’ils rencontrent dans leur utilisation d’Internet, outil-symbole par excellence du système, fait de Soral et de Dieudonné des “ maux du dedans ”, générés par le système lui-même et qu’il ne pourra sans doute jamais contrôler ; il y a potlatch numérique, échange don/contre-don (Marcel Mauss) : à la technique comme idéologie répond la critique de l’idéologie dominante par la technique. Évidemment, le résultat de cette “ critique ” ressemblera au palmarès de Soral en tant que boxeur – un combat, une défaite.
Hamdi Nabli
- (1) Dernier ouvrage paru : L’(in)égalité politique en démocratie, Paris, Fondation Jean Jaurès, 2013