mardi 27 mai 2014

Consolider l'Europe, oui mais une Europe plus sociale, écologique et populaire ( 3/3 et fin)

Sortir de l'Euro ? (3/3) : Quelle voie est la plus "réaliste" ?


Le réalisme dont il sera question est à la fois économique, politique, social, culturel voire affectif, car on entre ici dans un domaine qui associe la raison et la passion, la logique et les croyances voire les « affects » qu’affectionne Frédéric Lordon… non sans « raison ».
Cela explique en partie la forme parfois rude des controverses entre proches, parmi lesquels des polémistes patentés, chaque camp ayant tendance à qualifier les autres d’illusionnistes, pour ne citer que le qualificatif le plus doux.
Ceux et celles qui souhaiteraient disposer de la série des trois billets en un fichier unique (8 pages) peuvent suivre ce lien : sortieuecomplet.pdf
REALISME SUR LE PLAN DES « AFFECTS »
Si je commence par les affects, je trouve que le plus étonnant est qu’il y ait encore plus de la moitié de nos concitoyens - mais c’est vrai aussi pour les autres pays de la zone, y compris ceux du sud - qui ne rejettent pas l’Union européenne (voir cette analyse de mai 2013), alors que l’Europe institutionnelle actuelle, néolibérale, a fait tant de dommages ces dernières années. Une des raisons, mais ce n’est pas la seule, est évoquée par Benjamin Coriat et Thomas Coutrot : « L’idéal de fraternité européenne [incluant l’aspiration à la paix, JG] a longtemps soutenu le projet communautaire, jusqu’à la fin des années 1970 où l’Europe a su, après la chute des dictatures, accueillir et protéger les fragiles démocraties grecque, portugaise et espagnole, et à coups de fonds structurels puisés dans le budget commun, favoriser leur inclusion en exorcisant les pulsions nationalistes. ».
Propos « européistes » dépassés ? Peut-être, mais à chacun ses affects… Et de toute façon, ces derniers font partie d’une évaluation du réalisme des scénarios en présence, au moins autant que les arguments économiques, si l’on parie sur la démocratie pour trouver une voie. Je renvoie aussi à mon premier billet de la série.
RAPPORTS DE FORCES POLITIQUES EN EUROPE
Ici, c’est plus difficile de se prononcer. Je suppose que, dans le rapport des forces, on évite d’invoquer le secours des partis d’extrême droite en Europe, mais ils pourraient peser en cas de consultation par vote. Prenons les propositions alternatives qui consistent soit à « combattre de l’intérieur » le système euro actuel soit à en sortir. Ce que j’en ai dit est qu’aucune de ces deux voies ne réglait plus aisément que l’autre la question des forces opposées, des conservateurs allemands, de la finance, de la BCE à dessaisir ou à refonder. En revanche, ce que l’on sait des pays du sud de l’Europe est que, même actuellement, ils ne sont pas tentés par la sortie. Leur imposer ? Les convaincre ? J’ai des doutes.
ON AURAIT PLUS DE MARGES DE MANŒUVRE DANS LE CADRE NATIONAL ?
A nouveau, sur le papier des économistes, la réponse est oui : une banque centrale nationale, la possibilité de favoriser les productions nationales et d’autres très bonnes nouvelles, si je mets de côté les effets négatifs de l’inflation importée et de la facture énergétique alourdie. Mais l’encre des économistes sèche plus vite que les rapports de force nationaux. Les conservateurs et les lobbies d’affaires sont-ils moins influents à Bercy et à l’Elysée sous un gouvernement « de gauche » qu’à Bruxelles avec une Commission de droite ? Arraisonner la finance sera-t-il plus aisé chez nous ? La transition écologique mieux défendue ? Je n’en crois rien. Je l’ai rappelé : c’est aujourd’hui la France qui freine des quatre fers aussi bien une réforme des banques (qui va dans le bon sens) proposée par Bruxelles qu’une taxation des transactions financières approuvée par… l’Allemagne ! Enfin, qui déclare à Obama qu’il serait bon d’accélérer les négociations du funeste traité transatlantique ? Merckel ? Barroso ? Non, Hollande.
Le Royaume-Uni a gardé sa monnaie nationale. Sa banque centrale mène, contrairement à la BCE, une politique de rachat massif des obligations d’Etat. Cela empêche-t-il le gouvernement de Sa Majesté de mener une des politiques d’austérité les plus dures en Europe ?
L’oligarchie n’a pas de frontières, et s’il est vrai que les mobilisations exigées pour aller vers une autre Europe démarreront probablement dans quelques pays plus combatifs à un moment donné, parce qu’on ne peut pas parler, c’est vrai, de « mouvement social européen », le repli sur chaque nation n’est vraiment pas une garantie d’avancées sociales et écologiques.
L’ECOLOGIE COMME ENJEU (AUSSI) EUROPEEN
Les enjeux écologiques sont largement ignorés du côté des partisans de la sortie, dont le principal objectif est le retour de la croissance et de la compétitivité. Il faut faire une exception dans le cas de Gaël Giraud, seul vrai écolo parmi eux. Ces enjeux sont plus présents de l’autre côté, par exemple dans les contributions de Jean-Marie Harribey et de Benjamin Coriat au livre des « atterrés ».
Or c’est très important à mes yeux. Les périls sont immenses et ils ont commencé à se manifester. L’Europe actuelle n’est guère plus exemplaire dans ce domaine que dans les autres, mais la France l’est encore moins. Elle a même un énorme retard sur les énergies renouvelables et une énorme « avance » sur le nucléaire, deux beaux résultats de nos « élites » strictement nationales.
Peut-on penser qu’un mouvement de retour vers les nations favoriserait le combat qu’il va falloir mener contre le changement climatique ? Les avocats de la sortie, focalisés sur la compétitivité relative des nations, verraient-ils d’un bon œil des mesures franco-françaises de fortes réductions des émissions de l’industrie, de refus des gaz de schistes, de coup de frein négocié à la production automobile et aux grands travaux inutiles ? Comment ne pas admettre que toutes ces mesures, et d’autres, supposent des « jeux » coopératifs dont il sera moins aisé de définir les règles dans un système que j’ai tendance à voir comme celui du « chacun pour soi et les dévaluations pour tous » ?

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