lundi 27 mai 2013

Les Ecologistes lucides, clairs et exigents...



-Les écologistes durcissent le ton contre le gouvernement et demandent «un changement de cap»
- Pascal Durand, secrétaire national d'EELV, livre un discours lors d'un congrès du parti écologiste, le 18 septembre 2012 (photo de Jean-Sebastien Evrard)
-- Dans un texte approuvé par les deux ministres écologistes, EELV appelle à «sortir des politiques d'austérité»...
- Le ton s'est durci samedi chez les écologistes, critiques vis-à-vis d'un gouvernement auquel ils participent mais qu'ils n'entendent pas quitter pour l'instant, préférant «faire bouger les lignes» de l'intérieur. «On dit les mêmes choses mais on les dit de manière un peu plus forte», explique en souriant Pascal Durand, secrétaire national d'Europe-Ecologie-Les Verts.
-Dans une interview à Libération samedi, il a fustigé «l'absence d'imagination» du gouvernement «incapable de penser le monde moderne». L'après-midi, lors d'un conseil fédéral, son parti a voté à une large majorité une motion de synthèse réclamant au gouvernement «un changement de cap». Il «s'impose», selon ce texte invitant à «sortir des politiques d'austérité, engager une politique écologique, sociale, économique et démocratique».
-- «La solidarité, ce n'est pas la soumission»
La motion, approuvée par les deux ministres écologistes présents, Cécile Duflot (Logement) et Pascal Canfin (Développement), souligne notamment «l'inquiétude» des écologistes face à «l'orientation économique du gouvernement et son refus d'écouter toutes les composantes de sa majorité».
- Pascal Durand s'est déclaré agréablement «surpris de voir à quel point le mouvement a envie de porter une doctrine commune (...) Il y a union dans le parti sur le fait que nous devons peser sur le gouvernement» pour un changement d'orientation. «On a le droit d'être dedans et de critiquer», a justifié le numéro un des écologistes pour qui «la solidarité, ce n'est pas la soumission». L'eurodéputé Yannick Jadot a considéré que son parti passait ainsi à «une logique de proposition».
- «C'est une très bonne chose que les écologistes et qu'Europe-Ecologie-Les Verts, parti membre de la majorité, s'expriment sur le cap politique du gouvernement», a déclaré à la tribune Cécile Duflot la ministre du Logement. «J'ai lu la motion avec intérêt, j'en partage quasiment la totalité des mots, je pense que c'est essentiel de faire revivre le débat politique au sein de la majorité», a-t-elle ajouté estimant que «nous avons besoin de redonner l'envie de politique».
-- «Faire bouger les lignes»
«Le parti joue son rôle», a surenchéri Pascal Canfin pour qui il n'y a «rien de nouveau» dans la démarche des écologistes. Participer et «dire quand ça ne nous convient pas», «c'est ce que nous avons toujours défendu, il y a une cohérence», a souligné le ministre.
- «C'est un truc de la Ve République de dire que lorsque tu as signé avec le chef, tu dois être d'accord avec le chef. Nous, nous sommes plus dans une idée de coalition», a jugé de son côté une cadre du parti. Pour Pascal Durand, les écologistes sur certains sujets ont réussi à «faire bouger les lignes».
-Loin de vouloir en sortir, certains chez EELV imaginent même avoir davantage de poids dans un prochain gouvernement. Le chef de file des sénateurs écologistes, Jean-Vincent Placé, verrait bien ainsi Cécile Duflot à la tête «d'un ministère de l'Ecologie et de l'énergie».
-- «Où ce gouvernement veut mettre le curseur de la transformation écologique?»
-Dans Libération, Pascal Durand juge que la ministre de l'Ecologie Delphine Batho (PS) laisse trop Arnaud Montebourg (Redressement productif) dire «n'importe quoi» sur ses sujets. Le gouvernement est-il assez écologiste? «Je voudrais savoir où ce gouvernement veut mettre le curseur de la transformation écologique, économique et sociale», s'interroge Pascal Durand.
- Si, comme le dit Jean-Vincent Placé, les écologistes «continuent l'expérience gouvernementale» en étant un «allié exigeant avec la parole libre», plusieurs échéances se profilent auxquelles ils devront répondre.
- Lors des journées d'été fin août, le bilan d'EELV au sein du gouvernement sera abordé mais la «ligne rouge» qui se profile est le débat sur la transition énergétique de cet automne, ainsi que le prochain projet de loi de finances et la question d'une fiscalité écologique. C'est aussi à l'automne que les écologistes tiendront leur congrès. A l'approche des élections municipales et européennes de 2014, la question de leur participation au gouvernement ne manquera pas de leur être de nouveau posée.
--  «Les socialistes devraient écouter un peu moins le Medef»
- Pascal Durand, secrétaire national d'Europe-Ecologie Les Verts, le 18 septembre 2012 à Nantes. (Photo Jean-Sebastien Evrard.)
-- Interview Pascal Durand, patron d’Europe Ecologie-les Verts, regrette le conservatisme du gouvernement :
- Alors que le conseil fédéral d’Europe-Ecologie-les Verts se réunit ce samedi, son secrétaire national, Pascal Durand, fait le bilan de la participation des écologistes au gouvernement Ayrault, dont il regrette le «conservatisme» et «l’absence d’imagination».
-- Comment expliquer ce paradoxe qui dure : les écologistes n’ont jamais été aussi présents dans les institutions, or on parle très peu d’écologie ?
- Je ne suis pas d’accord… L’écologie s’impose dans la réalité économique et sociale du pays. Le grand public intègre désormais sa problématique comme un impératif de notre société moderne.
-- Sauf au gouvernement…
C’est le paradoxe : la nécessité d’intégrer l’écologie aux choix économiques progresse dans la société civile or, à l’exception de quelques domaines - comme le logement -, les enjeux écologiques sont niés dans les actes du gouvernement. A l’exception de ministres «réactionnaires» et «conservateurs» comme Arnaud Montebourg, Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve, certains sont - au mieux - dans du déclaratif, du moins dans une neutralité inefficace.
-- Pourquoi ce décalage ?
- A cause de la coalition des conservatismes et l’absence d’imagination d’un gouvernement incapable de penser le monde moderne. Tous restent attachés à de vieilles solutions inefficaces pour redresser la France et l’Europe. Les socialistes devraient écouter un peu moins les tenants du conservatisme, Medef en tête, et davantage les écologistes. A chaque mesure novatrice en termes énergétiques, la réponse est toujours la même : «Ah non, ça, ce n’est pas possible, c’est socialement inacceptable.» Mais donnons-nous les moyens pour que ce le soit !
-- La ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, fait-elle aussi partie de ces ministres «conservateurs» ?
- Non. Mais il est intolérable qu’elle laisse le ministre du Redressement productif [Arnaud Montebourg, ndlr], qui n’a pas à s’occuper de transition énergétique, s’exprimer impunément depuis des mois, en racontant n’importe quoi - notamment sur les gaz de schiste - au mépris des commissions dont elle a la charge ! Delphine Batho doit monter au créneau. Défendre son ministère et son périmètre. Faire en sorte que l’écologie soit respectée et portée au sein de ce gouvernement. A ce stade, c’est totalement insuffisant. Aujourd’hui, le ministre de l’Energie s’appelle Arnaud Montebourg…
-- Votre participation au gouvernement est-elle encore utile ?
- Bien sûr ! Nous pesons. De l’intérieur. Si nous n’avions pas fait du débat sur l’énergie une condition de notre participation, il n’aurait jamais eu lieu. Hollande aurait cédé aux lobbys. Sans nous, la fiscalité écologique aurait été enterrée par Bercy. Engagement a été pris pour 2014. Sans nous, pas de plan d’isolation du bâti, pas d’avancées sur la loi bancaire, de reconnaissance des lanceurs d’alerte… Le bilan est positif.
-- Mais, sur la transition énergétique et la fiscalité écologique, c’est tout de même timide…
- Est-ce que ces débats existeraient si nous n’étions pas au gouvernement ? Lorsqu’on voit le poids des lobbys, la faiblesse de la ministre de l’Ecologie et les réticences de Hollande sur le nucléaire, je ne pense pas. Les associations écologistes se disent tout de même déçues, et les ONG demandent au gouvernement de respecter ses engagements. Nous aussi. Nous n’avons pas oublié le discours de François Hollande en ouverture de la conférence environnementale. Il ne doit pas devenir le président de la parole et de l’inaction.
-- A continuer de le soutenir, ne craignez-vous pas que vos électeurs soient tentés par Mélenchon ?
-Non. Le Front de gauche s’est mis dans une impasse en ne participant pas activement à la majorité. Notre électorat n’accepterait pas que l’on devienne de simples spectateurs. Nous avons le sens des responsabilités. A quelle échelle de temps Jean-Luc Mélenchon entend-il, lui, peser sur le gouvernement ?
-- Cela vous a-t-il agacé qu’Eva Joly aille manifester avec eux ?
-En marge du mouvement écologiste, il y a toujours des personnes qui considèrent leur parole plus importante que les décisions collectives. Eva Joly a souffert de ce manque de discipline au moment de la présidentielle. Qu’elle s’en souvienne… Le choix de ne pas participer à cette manifestation du 5 mai était une décision collective prise dans une réunion à laquelle Eva était conviée mais n’a pas participé.
-- Les européennes sont dans un an : ne risquez-vous pas d’être sur la défensive ce coup-ci ?
- Sans Daniel Cohn-Bendit, la campagne ne sera pas identique à celle de 2009. Mais, sur le fond, nous serons, comme en 2009, les seuls à être transnationaux, proeuropéens et profondément fédéralistes. Ceux qui porteront à la fois la défense de l’Europe politique mais aussi des solutions différentes. Avec ses propres paradis fiscaux et cette concurrence à outrance, l’Europe fait fausse route. Prenons l’exemple du grand marché transatlantique qui s’annonce : c’est un projet inacceptable. Un basculement ultime. Les entreprises vont imposer aux Etats, à travers des normes économiques et commerciales, leurs propres règles au détriment de la démocratie. Tous les libéraux, y compris au centre, veulent cela. Pas nous. La cause de nos problèmes, ce n’est pas l’Europe, c’est la politique libérale.
LILIAN ALEMAGNA

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