- Pascal Durand, secrétaire
national d'EELV, livre un discours lors d'un congrès du parti écologiste, le 18
septembre 2012 (photo de Jean-Sebastien Evrard)
-- Dans un texte approuvé par les deux ministres
écologistes, EELV appelle à «sortir des politiques d'austérité»...
- Le ton s'est durci samedi
chez les écologistes, critiques vis-à-vis d'un gouvernement auquel ils
participent mais qu'ils n'entendent pas quitter pour l'instant, préférant
«faire bouger les lignes» de l'intérieur. «On dit les mêmes choses mais on les
dit de manière un peu plus forte», explique en souriant Pascal Durand,
secrétaire national d'Europe-Ecologie-Les Verts.
-Dans une interview à
Libération samedi, il a fustigé «l'absence d'imagination» du gouvernement
«incapable de penser le monde moderne». L'après-midi, lors d'un conseil
fédéral, son parti a voté à une large majorité une motion de synthèse réclamant
au gouvernement «un changement de cap». Il «s'impose», selon ce texte invitant
à «sortir des politiques d'austérité, engager une politique écologique,
sociale, économique et démocratique».
-- «La solidarité, ce n'est pas la soumission»
La motion, approuvée par
les deux ministres écologistes présents, Cécile Duflot (Logement) et Pascal
Canfin (Développement), souligne notamment «l'inquiétude» des écologistes face
à «l'orientation économique du gouvernement et son refus d'écouter toutes les
composantes de sa majorité».
- Pascal Durand s'est
déclaré agréablement «surpris de voir à quel point le mouvement a envie de
porter une doctrine commune (...) Il y a union dans le parti sur le fait que
nous devons peser sur le gouvernement» pour un changement d'orientation. «On a
le droit d'être dedans et de critiquer», a justifié le numéro un des
écologistes pour qui «la solidarité, ce n'est pas la soumission». L'eurodéputé
Yannick Jadot a considéré que son parti passait ainsi à «une logique de
proposition».
- «C'est une très bonne
chose que les écologistes et qu'Europe-Ecologie-Les Verts, parti membre de la
majorité, s'expriment sur le cap politique du gouvernement», a déclaré à la
tribune Cécile Duflot la ministre du Logement. «J'ai lu la motion avec intérêt,
j'en partage quasiment la totalité des mots, je pense que c'est essentiel de
faire revivre le débat politique au sein de la majorité», a-t-elle ajouté
estimant que «nous avons besoin de redonner l'envie de politique».
-- «Faire bouger les lignes»
«Le parti joue son rôle»,
a surenchéri Pascal Canfin pour qui il n'y a «rien de nouveau» dans la démarche
des écologistes. Participer et «dire quand ça ne nous convient pas», «c'est ce
que nous avons toujours défendu, il y a une cohérence», a souligné le ministre.
- «C'est un truc de la Ve
République de dire que lorsque tu as signé avec le chef, tu dois être d'accord
avec le chef. Nous, nous sommes plus dans une idée de coalition», a jugé de son
côté une cadre du parti. Pour Pascal Durand, les écologistes sur certains
sujets ont réussi à «faire bouger les lignes».
-Loin de vouloir en
sortir, certains chez EELV imaginent même avoir davantage de poids dans un
prochain gouvernement. Le chef de file des sénateurs écologistes, Jean-Vincent
Placé, verrait bien ainsi Cécile Duflot à la tête «d'un ministère de l'Ecologie
et de l'énergie».
-- «Où ce gouvernement veut mettre le curseur de la
transformation écologique?»
-Dans Libération, Pascal
Durand juge que la ministre de l'Ecologie Delphine Batho (PS) laisse trop
Arnaud Montebourg (Redressement productif) dire «n'importe quoi» sur ses
sujets. Le gouvernement est-il assez écologiste? «Je voudrais savoir où ce
gouvernement veut mettre le curseur de la transformation écologique, économique
et sociale», s'interroge Pascal Durand.
- Si, comme le dit
Jean-Vincent Placé, les écologistes «continuent l'expérience gouvernementale»
en étant un «allié exigeant avec la parole libre», plusieurs échéances se
profilent auxquelles ils devront répondre.
- Lors des journées d'été
fin août, le bilan d'EELV au sein du gouvernement sera abordé mais la «ligne
rouge» qui se profile est le débat sur la transition énergétique de cet
automne, ainsi que le prochain projet de loi de finances et la question d'une
fiscalité écologique. C'est aussi à l'automne que les écologistes tiendront
leur congrès. A l'approche des élections municipales et européennes de 2014, la
question de leur participation au gouvernement ne manquera pas de leur être de
nouveau posée.
-- «Les socialistes devraient
écouter un peu moins le Medef»
- Pascal Durand, secrétaire
national d'Europe-Ecologie Les Verts, le 18 septembre 2012 à Nantes. (Photo
Jean-Sebastien Evrard.)
-- Interview Pascal Durand, patron d’Europe
Ecologie-les Verts, regrette le conservatisme du gouvernement :
- Alors que le conseil
fédéral d’Europe-Ecologie-les Verts se réunit ce samedi, son secrétaire
national, Pascal Durand, fait le bilan de la participation des écologistes au
gouvernement Ayrault, dont il regrette le «conservatisme» et «l’absence
d’imagination».
-- Comment expliquer ce paradoxe qui dure : les
écologistes n’ont jamais été aussi présents dans les institutions, or on parle
très peu d’écologie ?
- Je ne suis pas d’accord…
L’écologie s’impose dans la réalité économique et sociale du pays. Le grand
public intègre désormais sa problématique comme un impératif de notre société
moderne.
-- Sauf au gouvernement…
C’est le paradoxe : la
nécessité d’intégrer l’écologie aux choix économiques progresse dans la société
civile or, à l’exception de quelques domaines - comme le logement -, les enjeux
écologiques sont niés dans les actes du gouvernement. A l’exception de
ministres «réactionnaires» et «conservateurs» comme Arnaud Montebourg, Manuel
Valls ou Bernard Cazeneuve, certains sont - au mieux - dans du déclaratif, du
moins dans une neutralité inefficace.
-- Pourquoi ce décalage ?
- A cause de la coalition
des conservatismes et l’absence d’imagination d’un gouvernement incapable de
penser le monde moderne. Tous restent attachés à de vieilles solutions
inefficaces pour redresser la France et l’Europe. Les socialistes devraient
écouter un peu moins les tenants du conservatisme, Medef en tête, et davantage
les écologistes. A chaque mesure novatrice en termes énergétiques, la réponse
est toujours la même : «Ah non, ça, ce n’est pas possible, c’est socialement
inacceptable.» Mais donnons-nous les moyens pour que ce le soit !
-- La ministre de l’Ecologie, Delphine Batho,
fait-elle aussi partie de ces ministres «conservateurs» ?
- Non. Mais il est
intolérable qu’elle laisse le ministre du Redressement productif [Arnaud
Montebourg, ndlr], qui n’a pas à s’occuper de transition énergétique,
s’exprimer impunément depuis des mois, en racontant n’importe quoi - notamment
sur les gaz de schiste - au mépris des commissions dont elle a la charge !
Delphine Batho doit monter au créneau. Défendre son ministère et son périmètre.
Faire en sorte que l’écologie soit respectée et portée au sein de ce
gouvernement. A ce stade, c’est totalement insuffisant. Aujourd’hui, le
ministre de l’Energie s’appelle Arnaud Montebourg…
-- Votre participation au gouvernement est-elle
encore utile ?
- Bien sûr ! Nous pesons.
De l’intérieur. Si nous n’avions pas fait du débat sur l’énergie une condition
de notre participation, il n’aurait jamais eu lieu. Hollande aurait cédé aux
lobbys. Sans nous, la fiscalité écologique aurait été enterrée par Bercy.
Engagement a été pris pour 2014. Sans nous, pas de plan d’isolation du
bâti, pas d’avancées sur la loi bancaire, de reconnaissance des lanceurs
d’alerte… Le bilan est positif.
-- Mais, sur la transition énergétique et la
fiscalité écologique, c’est tout de même timide…
- Est-ce que ces débats
existeraient si nous n’étions pas au gouvernement ? Lorsqu’on voit le poids des
lobbys, la faiblesse de la ministre de l’Ecologie et les réticences de Hollande
sur le nucléaire, je ne pense pas. Les associations écologistes se disent tout
de même déçues, et les ONG demandent au gouvernement de respecter ses
engagements. Nous aussi. Nous n’avons pas oublié le discours de François
Hollande en ouverture de la conférence environnementale. Il ne doit pas devenir
le président de la parole et de l’inaction.
-- A continuer de le soutenir, ne craignez-vous pas
que vos électeurs soient tentés par Mélenchon ?
-Non. Le Front de gauche
s’est mis dans une impasse en ne participant pas activement à la majorité.
Notre électorat n’accepterait pas que l’on devienne de simples spectateurs.
Nous avons le sens des responsabilités. A quelle échelle de temps Jean-Luc
Mélenchon entend-il, lui, peser sur le gouvernement ?
-- Cela vous a-t-il agacé qu’Eva Joly aille
manifester avec eux ?
-En marge du mouvement
écologiste, il y a toujours des personnes qui considèrent leur parole plus
importante que les décisions collectives. Eva Joly a souffert de ce manque de
discipline au moment de la présidentielle. Qu’elle s’en souvienne… Le choix de
ne pas participer à cette manifestation du 5 mai était une décision
collective prise dans une réunion à laquelle Eva était conviée mais n’a pas
participé.
-- Les européennes sont dans un an : ne risquez-vous
pas d’être sur la défensive ce coup-ci ?
- Sans Daniel Cohn-Bendit,
la campagne ne sera pas identique à celle de 2009. Mais, sur le fond, nous
serons, comme en 2009, les seuls à être transnationaux, proeuropéens et
profondément fédéralistes. Ceux qui porteront à la fois la défense de l’Europe
politique mais aussi des solutions différentes. Avec ses propres paradis
fiscaux et cette concurrence à outrance, l’Europe fait fausse route. Prenons
l’exemple du grand marché transatlantique qui s’annonce : c’est un projet
inacceptable. Un basculement ultime. Les entreprises vont imposer aux Etats, à
travers des normes économiques et commerciales, leurs propres règles au
détriment de la démocratie. Tous les libéraux, y compris au centre, veulent
cela. Pas nous. La cause de nos problèmes, ce n’est pas l’Europe, c’est la politique
libérale.
LILIAN ALEMAGNA
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