mercredi 11 décembre 2013

Le mélenchon , le repoussoir...



Jean-Luc Mélenchon, notre grand poète national
Jean-Luc Mélenchon est né à 60 ans. Auparavant, il n’avait été qu’un second couteau au sein du Parti socialiste, talentueux et insatisfait. Toujours mêlé aux tentatives pour fortifier l’aile gauche du PS, toujours déçu, il avait été bizarrement le benjamin du Sénat, un lieu où il détonait sans franchir les bornes, puis ministre modeste et loyal du gouvernement Jospin.
Sa véritable vocation, il l’avait découverte aux meetings des partisans du non au référendum européen de 2005. Là, aux côtés de Marie-George Buffet ou Olivier Besancenot, il était au départ le moins connu mais il était vite devenu le plus applaudi. Son éloquence torrentielle, sa verve insolente, ses dénonciations furibondes enchantaient le public. L’ex-trotskiste, l’éternel militant, l’homme politique impatient d’un destin avait compris que son avenir était là, en figure de proue de la gauche anticapitaliste. Départ du PS, fondation du Parti de gauche, conquête de l’investiture communiste et soudain, avec la campagne présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon est enfin devenu Jean-Luc Mélenchon, le premier tribun de France, l’imprécateur à la mode, le procureur enfiévré de l’infâme société française, le polémiste le plus saignant. La France retrouvait l’un de ses archétypes politiques les plus populaires : le grand poète national en colère.
Ce n’est pas un hasard si Jean-Luc Mélenchon aime lire quelques paragraphes bien choisis de Victor Hugo pour clore ses meetings. La France a toujours mêlé la politique, l’histoire et la littérature. Le candidat du Front de gauche, cultivé, irascible et bretteur, trouve là la source naturelle de son inspiration. En 1848, l’homme le plus populaire de l’Hexagone s’appelait Lamartine.
Sous le Second Empire et durant les commencements de la IIIe République, la figure de Victor Hugo resplendissait. L’écrivain, le poète régnait sur le débat public. Par ses livres, par ses vers, par ses exils, par ses discours, par ses interventions parlementaires, Victor Hugo surplombait la scène culturelle et politique, accessible et démesuré, farouche et emporté, incomparable procureur, propagandiste flamboyant, généreux et injuste, visionnaire et rêveur. C’est dans ses pas, c’est à sa suite que s’inscrit Jean-Luc Mélenchon.
On peut évidemment en faire deux lectures. Il y a le candidat, rugissant de tribune en tribune, tempêtant de studio en studio, avec son tempérament dévastateur, ses emportements incessants, ses trouvailles cocasses et ses injures déplaisantes. Il n’a d’indulgence pour personne hormis pour lui-même. Il traite François Hollande de «capitaine de pédalo» (la vanne la plus méchante de la campagne, tous candidats réunis), Marine Le Pen de «semi-démente», les journalistes femmes qui ont le malheur de lui déplaire de «perruches», les journalistes hommes qui le contrarient de «laquais». En revanche, il s’offusque d’être attaqué à son tour et se transforme aussitôt en grand persécuté. Tel quel, il marque des points, avance dans les sondages, frappe l’opinion. A la Bastille, il a raté son discours mais il a attiré la foule la plus gigantesque que l’on ait vue depuis les manifestations célèbres des grandes grèves de 1995.
Il y a bien, dans cette campagne, un phénomène Mélenchon. Si ses scores actuels se confirment, il pèsera lourd sur le second tour, contraignant peut-être François Hollande à se radicaliser - c’est l’espérance de la droite - entraînant néanmoins ses électeurs derrière le candidat socialiste, effarouchant en revanche les bataillons centristes. Il aura compté.
Il aura surtout ressuscité la part du rêve. Dans cette campagne, il y a les protagonistes du possible (François Hollande, François Bayrou, Nicolas Sarkozy), il y a les porteurs de cauchemars (Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan) et il y a notre grand poète national, l’homme qui incarne l’utopie, qui agite les chimères, qui prophétise un autre monde où régnerait la justice, où trônerait l’égalité, où s’épanouirait la vertu.
Ce serait la revanche des Misérables, le triomphe des Châtiments, une authentique république socialiste, un gouvernement en cravate rouge. Les marchés seraient domestiqués, le capitalisme serait éradiqué, les grandes entreprises seraient réquisitionnées. Comme au XIXe siècle, la France s’enflammerait, l’Europe flamberait. Nos voisins se convertiraient, on réaliserait les Etats unis d’Europe du père Hugo, on réussirait la VIe République. Ce serait l’heure des comptes et le carillon du changement. On pourrait de nouveau inventer, imaginer, espérer, mobiliser. Ce serait la revanche du romantisme incandescent sur les contraintes et les épreuves des alternances prosaïques. C’est le livret de l’opéra mélenchonien. S’il n’était pas joué, à défaut, alors il faudrait que Jean-Luc Mélenchon se contente, faible exutoire, du ministère des masses.
ALAIN DUHAMEL

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