samedi 29 mars 2014

Fukushima toujours et encore...

Fukushima, on n’oublie pas !

Il y a trois ans, le 11 mars 2011, avait lieu à Fukushima au Japon l’une des plus graves catastrophes nucléaires de l’Histoire (l’autre étant la catastrophe de Tchernobyl, survenue le 26 avril 1986). Trois réacteurs de la centrale, dont au moins un rempli de combustible MOX(1), ont fondu en partie et ont subi des explosions qui les ont fortement détériorés. Si aujourd’hui l’Etat et l’industrie nucléaire veulent nous faire croire que tout est plus ou moins « terminé », aidés en cela par un silence complaisant des média, il est clair que l’ampleur de la catastrophe n’a pas fini de se révéler. Et, au Japon comme ailleurs, les dégâts continuent...
Les popu­la­tions loca­les, par­fois lais­sées sur place dans des condi­tions très pré­cai­res, et d’autres fois évacuées pour être relo­gées aux alen­tours dans de sim­ples bara­que­ments, conti­nuent de vivre au contact d’une forte radio­ac­ti­vité ambiante. Aux actions de déconta­mi­na­tion déri­soi­res s’ajou­tent des mesu­res plutôt illu­soi­res de radio­pro­tec­tion. Et de toute façon, que pour­rait signi­fier le fait de « déconta­mi­ner » quand tout est impré­gné de radio­ac­ti­vité ? L’abon­dance et la dis­per­sion des radio­élé­ments sont telles que les radia­tions ne peu­vent pas être « enle­vées » comme on essuie­rait une tache sur un vête­ment. Par ailleurs, les mesu­res de radio­pro­tec­tion mises en place sem­blent rele­ver bien plus d’une volonté de contrôle social que d’une hypo­thé­ti­que pré­ser­va­tion de la santé humaine.
Un grand nombre d’inter­dits et de res­tric­tions visent à empê­cher les gens, et sur­tout les enfants, d’aller dans les endroits consi­dé­rés comme les plus radio­ac­tifs. Par exem­ple, il faut : mar­cher sur le sen­tier en béton et non pas dans l’herbe qui est à côté ; ne pas sortir dehors ; aller jouer dans telle cours de récréa­tion « déconta­mi­née » ; mettre des bou­teilles d’eau aux bords des fenê­tres (visi­ble­ment pour stop­per les rayons gamma). Semblant par­fois rele­ver du bon sens, ces mesu­res ser­vent sur­tout à donner l’illu­sion qu’en res­pec­tant cer­tai­nes règles on vivra en bonne santé. Or, même s’il vaut mieux s’expo­ser quo­ti­dien­ne­ment à une dose de radia­tions la plus faible pos­si­ble, on se demande bien au vu de la situa­tion actuelle quelle dif­fé­rence cela fera au final. Ainsi, dans la mesure où la conta­mi­na­tion ambiante est forte, res­pi­rer l’air du dedans ou celui du dehors ne chan­gera sans doute plus grand chose. Et que dire des bou­teilles d’eau mises aux fenê­tres, ou entou­rant des aires de jeux ? Certes l’eau stoppe effi­ca­ce­ment les rayons gamma, et c’est pour cela qu’un réac­teur à l’arrêt est « noyé » sous dix mètres d’eau pour la main­te­nance, mais quelle peut être l’uti­lité réelle une bou­teille pleine d’eau d’à peine dix cen­ti­mè­tres de dia­mè­tre ?
Et il en est de même des mesu­res de radio­ac­ti­vité effec­tuées sur les ali­ments par diver­ses asso­cia­tions. Vouloir manger sans s’empoi­son­ner est bien natu­rel, mais dans le cas pré­sent il ne s’agit pas vrai­ment de cela. Comme la nour­ri­ture de la région est toute plus ou moins conta­mi­née, on finira tou­jours par s’empoi­son­ner en man­geant « local ». De fait, les mesu­res n’ont pour objec­tif final que de déter­mi­ner si les doses de radio­ac­ti­vité sont ou ne sont pas dans les normes offi­ciel­les. Or ces normes, mises en place par les Etats ou les asso­cia­tions mon­dia­les du nucléaire, n’ont jamais été faites pour garan­tir l’absence d’effets néfas­tes sur les êtres vivants (can­cers, mal­for­ma­tions, etc)(2).
On se rap­pel­lera au pas­sage que les normes de radio­ac­ti­vité admis­si­ble pour les habi­tants de la pro­vince de Fukushima ont été for­te­ment aug­men­tées depuis la catas­tro­phe (mul­ti­pliées par vingt !), afin que la majo­rité des popu­la­tions puisse rester sur place. Cela montre bien que ces normes ont pour but réel l’accep­ta­bi­lité sociale du nucléaire. En situa­tion « nor­male » (c’est à dire quand il n’y a pas d’acci­dent), les normes sont une réponse aux inquié­tu­des et aux refus aux­quels fait face l’indus­trie nucléaire en déli­mi­tant ce qui est « dan­ge­reux » de ce qui est « sans danger ». En limi­tant plus ou moins les pol­lu­tions radio­ac­ti­ves, les pou­voirs publics veu­lent mon­trer qu’ils se préoc­cu­pent de la santé des popu­la­tions, tout en garan­tis­sant évidemment la bonne marche des ins­tal­la­tions nucléai­res. Mais à Fukushima le masque est tombé, et il est devenu clair la norme auto­rise, en la léga­li­sant, ce qui est déjà exis­tant plutôt que de cher­cher à pré­ser­ver la santé des humains.
On per­çoit bien également les limi­tes que porte une oppo­si­tion au nucléaire qui se can­tonne à des mesu­res de radio­ac­ti­vité : on sait si on va être irra­dié, et à quel point -et sou­vent l’Etat le cache ou le mini­mise-, mais cela ne nous donne qu’une infor­ma­tion, et pas de moyen d’action effec­tif. De toute façon, le carac­tère « admis­si­ble » ou non des doses est fixé par les ins­ti­tu­tions, et vou­loir débat­tre sur ce point demande une exper­tise pous­sée qui exclut de fait une grande partie des popu­la­tions. On notera d’ailleurs, avec une cer­taine ironie, que l’aide appor­tée par la CRIIRAD aux asso­cia­tions japo­nai­ses de mesure de conta­mi­na­tion a été en grande partie sub­ven­tion­née par la région Rhône-Alpes, région la plus nucléa­ri­sée d’Europe ! La lar­gesse des sub­ven­tions de cette région est donc en lien direct avec l’indus­trie nucléaire qui contri­bue for­te­ment à sa richesse économique... Enfin, le carac­tère cyni­que de la ges­tion de cette catas­tro­phe est bien illus­tré par tout ces enfants que l’on fait vivre avec un dosi­mè­tre accro­ché au cou en per­ma­nence (sauf pour dormir). Ce dosi­mè­tre n’apporte évidement aucune pro­tec­tion -il en serait bien inca­pa­ble !-, mais offre la fausse garan­tie, par la connais­sance théo­ri­que de l’irra­dia­tion glo­bale reçue par son por­teur, de pré­ser­ver sa santé.
Tout ceci nous remet en mémoire une autre igno­mi­nie : les pro­gram­mes mis en place en Ukraine et Biélorussie par les nucléo­cra­tes du monde entier, et le CEA en tête, dans le but « d’aider » la survie des popu­la­tions vivant en ter­ri­toire conta­mi­nés suite à la catas­tro­phe de Tchernobyl. En fait d’aide, il s’agis­sait sur­tout de faire des études sur la vie dans ces ter­ri­toi­res et d’expé­ri­men­ter des métho­des de ges­tion sociale pour faire « accep­ter » aux popu­la­tions une situa­tion acci­den­telle. Et ceci, à la fois dans le cadre de la ges­tion de la catas­tro­phe de Tchernobyl, mais aussi dans le cas où une autre cen­trale explo­se­rait quel­que part dans le monde. En mon­trant que l’on peut « vivre » en ter­ri­toire conta­miné, les experts du nucléaire rela­ti­vi­sent (ou nient car­ré­ment) l’hor­reur de la pol­lu­tion radio­ac­tive. Ce qui permet déjà de tran­quilli­ser les gens vivant autour des ins­tal­la­tions nucléai­res. Ils pré­pa­rent aussi les popu­la­tions expo­sées dans le futur à un acci­dent nucléaire, à croire que celui-ci est sur­mon­ta­ble si on veut bien s’en remet­tre aux spé­cia­lis­tes qui connais­sent les solu­tions à adop­ter.
Mais la radio­ac­ti­vité se joue de ces mesu­ret­tes déri­soi­res, et déjà les effets de la catas­tro­phe se font sentir. Depuis quel­ques années les mala­dies de la thy­roïde ne sont plus réper­to­riées dans la région de Fukushima (visi­ble­ment les enfants qui veu­lent se faire soi­gner doi­vent aller dans d’autres régions). Les sta­tis­ti­ques sur les nais­san­ces igno­rent aussi cette région, et pour cause : le nombre d’enfants décla­rés « mort-né » est en forte aug­men­ta­tion, et, phé­no­mène curieux, on ne permet pas aux mères de voir leur enfant décédé en le sous­trayant à leur regard à la fin de l’accou­che­ment. Contrairement à l’intense bat­tage média­ti­que qui a suivi l’acci­dent, il semble qu’il n’y aura pas ou peu d’images des hor­reurs géné­rées par la catas­tro­phe nucléaire ; mais la réa­lité n’en est pas moins dra­ma­ti­que...
Nous ne pen­sons pas que le lob­bying auprès des ins­ti­tu­tions où l’acti­visme média­tico-citoyen auront une influence déci­sive sur la ques­tion nucléaire. En France, c’est l’Etat qui est nucléaire. Il en tire sa puis­sance poli­ti­que, mili­taire (la bombe ato­mi­que) et économique : l’indus­trie nucléaire et l’abon­dance électrique qu’elle permet son indis­pen­sa­bles au capi­ta­lisme fran­çais d’aujourd’hui. Seule une remise en cause radi­cale des bases de la société capi­ta­liste per­met­tra d’en finir avec le nucléaire !
Arrêt immé­diat du nucléaire, civil et mili­taire !
Organisation Communiste Libertaire – Lyon
1. - Mélange d’OXydes, c’est à dire d’ura­nium et de plu­to­nium. Il y a tou­jours du plu­to­nium dans un réac­teur en marche, mais quand on en rajoute au début, il y en a bien plus dans le réac­teur et s’il explose la conta­mi­na­tion est bien pire.
2. - De toute façon il fau­drait, pour être abso­lu­ment sûr de n’avoir aucun effet, qu’il n’y ait aucune pol­lu­tion radio­ac­tive !

Portfolio

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